Dans son premier ouvrage d’horreur, Bryan Perro s’inspire très librement de la légende de la bête du Gévaudan, qui avait terrorisé la population de cette région du centre de la France, à la fin du XVIIIe siècle. La bête s’est ici mise au goût du jour et ses desseins sont bien plus malins.

Connaissant la fascination de l’auteur d’Amos D’Aragon pour les légendes et les contes fantastiques, on aurait pu s’attendre à ce que l’horreur côtoie la fantaisie. On est à l’opposé du spectre, ou presque, autant dans la forme que dans le style. Perro fait le choix audacieux d’écrire tout son livre à la deuxième personne du singulier, le lecteur étant témoin de l’échange entre ce que l’on comprend être la bête et Kevin, un adolescent misérable habitant un village d’une quelconque communauté rurale.

Ce pari s’avère certainement un peu redondant, d’autant plus qu’on prend bien soin de nous faire comprendre à quel point la bête n’a aucun égard pour les « moutons » du village de « débiles » où habite Kevin, faisant l’apologie des « prédateurs » en encourageant le jeune homme à cesser d’être un simple membre du troupeau. Les quelque 200 premières pages se veulent ainsi une sorte d’étalage des nombreux torts de notre société moderne, avec à la clé la radicalisation dramatique d’un jeune désœuvré. Pendant ce temps, la transformation de Kevin s’accompagne d’une série d’évènements scabreux qui bouleverse son quotidien et celui de sa petite ville – le livre s’inscrit après tout dans la collection Contes interdits, qui a fait la manchette pour les mauvaises raisons il y a quelques années après la sortie d’Hansel et Gretel, d’Yvan Godbout.

Néanmoins, on enchaîne sans hésiter les courts chapitres de deux pages et demie dans l’espoir d’en savoir plus sur les nombreux éléments qui demeurent inexpliqués au fil des 43 956 mots du bouquin – un chiffre qui n’est pas le fruit du hasard – jusqu’à une conclusion originale et surprenante qui, semble-t-il, servirait les sombres desseins de la Bête...

La bête du Gévaudan

La bête du Gévaudan

Les Éditions ADA

265 pages

7/10