On rit pas mal, dans le nouveau roman choral du journaliste Hugo Meunier, Les péchés ordinaires. Mais on rit parfois un peu jaune, aussi. Et c’est voulu. Car derrière ce ton volontairement baveux qui traverse le roman, l’ancien de La Presse qui manie la plume dans Urbania depuis quelques années trouve quand même le moyen d’aborder au passage des sujets assez sérieux.

Son tour de force, c’est d’avoir assemblé sept histoires en apparence indépendantes, mais qui, on s’en rend compte assez vite, sont en fait toutes liées les unes aux autres.

« Mon point de départ de tout ce projet-là, c’était mon histoire sur la gourmandise. Je trouvais que j’avais une bonne idée, mais je ne pouvais pas l’étoffer sur un roman. Donc j’ai construit autour », confie-t-il devant son habituel latte à la Brûlerie St-Denis Masson, où il a passé des heures à écrire, à se relire et à faire du polissage « pour que tous les bouts marchent ». Un livre d’abord écrit en grande partie lors d’un voyage prolongé en Amérique du Sud avec sa famille, l’an dernier.

Parce que ce roman-ci, son quatrième en fiction, est celui dans lequel il a investi le plus d’efforts, admet sans détour l’auteur de Raté, un des livres donné par François Legault au premier ministre français Gabriel Attal lors de son récent passage au Québec.

« Des pécheurs du quotidien »

Rapidement, l’idée d’imaginer des histoires autour des sept péchés capitaux s’est dessinée ; péchés qui sont, rappelons-le, outre la gourmandise, l’orgueil, la jalousie, la luxure, l’avarice, la colère et la paresse. « Les péchés capitaux, c’est quelque chose que j’avais déjà en tête depuis un bout. On a jeté la religion dans les vidanges, mais on est tous des pécheurs du quotidien. C’est beaucoup sur les réseaux sociaux – on pèche de vanité à se montrer ; quand quelqu’un meurt, la personne qui est morte devient hautement secondaire par rapport au moment que tu as vécu avec elle », illustre-t-il.

Toute une galerie de personnages inspirés de son propre entourage les incarne et ces personnages-là finissent même par nous rappeler, d’une façon ou d’une autre, des gens qu’on connaît.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Hugo Meunier

S’il y avait eu un sous-titre à ce roman-là, ça serait : un roman que tu peux lire en te regardant dans le miroir. Parce que je pense qu’on connaît tous quelqu’un qui pourrait à peu près cocher quelque chose quelque part.

Hugo Meunier

Mais son but premier, c’était de jouer avec nos perceptions, les stéréotypes, nos préjugés. Hugo Meunier nous mène en bateau et on tombe en plein dans le panneau, dès la première histoire – Orgueil –, celle qu’il dit avoir eu le plus de plaisir à écrire avec Gourmandise.

L’art du punch

Aujourd’hui, Hugo Meunier sent qu’il peut enfin ajouter « auteur » à son titre de journaliste ; qu’il n’est plus juste « un journaliste qui écrit des livres ». Mais écrivain, non, très peu pour celui qui dit ne cocher aucunement la case orgueil parmi les péchés capitaux.

« Je ne suis pas un orgueilleux ; je fais du reportage très nono, je n’ai jamais peur de faire rire de moi ! Gourmand, ça va de soi, dit-il en se tapotant la bedaine, mais c’est un peu plate comme péché ! »

Sautant rapidement l’avarice – « pas du tout ! » –, il s’enfarge dans les fleurs du tapis quand on en arrive à parler de la luxure, au point d’en oublier complètement les deux derniers péchés capitaux. Entre deux rires, il concède qu’il se pose « plus de questions que la moyenne sur ces enjeux-là », puis rétrograde en disant vouloir préserver sa blonde « dans tout ça », et rappelle les reportages d’immersion qu’il avait effectués pour le compte de La Presse dans des clubs échangistes, il y a plus de 15 ans.

Si on rit bien en lisant Les péchés ordinaires, comme avec cette histoire « un peu caricaturale de la fille qui fait un peu douchebag », inspirée d’un fait divers, l’auteur lui-même s’est bien amusé à connecter les sept histoires et à trouver des punchs pour chacune d’entre elles, sans jamais rien planifier. « Je me donne le luxe de m’autosurprendre, donc quand j’arrive avec un punch, je m’auto-high five », lance-t-il tout sourire.

Hugo Meunier rêve quand même d’écrire un jour un livre qui serait « à 100 % comique ». Parce que, selon lui, Les péchés ordinaires porte quand même une petite touche de drame. En attendant, il planche sur une série jeunesse qui devrait paraître à l’automne, une série qu’il écrit en pensant à sa fille de 11 ans, grande lectrice qui lit de tout... sauf ses livres. La bonne nouvelle, dit-il, c’est que l’écriture est l’un des rares métiers « où tu peux devenir meilleur avec le temps ». « C’est sûr que je n’ai pas punché ma carte dans le monde de l’écriture ; j’adore ça, c’est ma passion ! »

Les péchés ordinaires

Les péchés ordinaires

Stanké

416 pages