Le grand déballage se poursuit pour le prince Harry. Non content d’avoir vidé son sac chez Oprah il y a deux ans, puis sur Netflix il y a deux semaines, le « royal rebelle » lançait mardi son autobiographie simultanément dans le monde entier, sans doute le plus gros évènement littéraire planétaire depuis les mémoires de Barack Obama en 2020.

Certains diront qu’à 38 ans, Harry est un peu jeune pour raconter sa vie. On ne les contredira pas. Mais le duc de Sussex en avait manifestement gros sur la patate, comme en témoignent les 537 pages de cette brique à saveur « people », qui ressemble tantôt à un règlement de comptes familial, tantôt à une charge contre les tabloïds britanniques qui ont pourri sa vie et celle de son couple.

Le ton n’est pas vindicatif pour autant. Spare (Le suppléant, en français) ressemble plutôt à une mise à nu, voire à une forme de thérapie. Harry s’expose et révèle ses failles de petit prince psychologiquement abîmé, jamais remis de la mort de sa mère. Il ne dit sûrement pas tout. Mais en dit assez sur son rapport à la « Firme », sur son rôle ingrat de « suppléant », sur cette célébrité qu’il n’a pas choisie et qui le tourmente depuis l’adolescence, causant chez lui des crises de panique récurrentes, qu’il mate en fumant des pétards à répétition.

Finie, la faveur du public

Ces confidences rendent forcément le livre plus intéressant. Plus touchant.

Cela dit, personne au Royaume-Uni ne semble vouloir pleurer sur le sort de Harry. Après avoir été considéré comme le chouchou de la famille royale, le prince aux cheveux roux agace aujourd’hui par ses lamentations répétées et ses interventions médiatiques de moins en moins pudiques, dont Spare est le plus récent exemple. Pour certains, ses crises d’enfant gâté sont tout simplement déplacées, alors que le pays traverse sa pire inflation en 40 ans. Selon un sondage YouGov publié lundi, 64 % ont désormais une opinion négative du duc de Sussex, contre seulement 26 % avec une opinion positive.

On peut aussi se demander quel impact aura le livre sur une famille royale fragilisée, qui pourrait être encore plus déstabilisée par ce nouveau lavage de linge sale en public.

« L’enjeu, ici, est le timing, note Elli Woodacre, historienne de la monarchie à l’Université de Winchester, au Royaume-Uni. On vient de changer de souverain et le public est en train de réévaluer sa relation avec la monarchie. C’est un moment délicat et le livre de Harry, avec la lumière peu flatteuse qu’il jette sur le roi, la reine consort et l’héritier, n’aidera pas à réaffirmer le lien entre la monarchie et le public. »

Buckingham s’est bien gardé de commenter jusqu’ici. On saura au couronnement de Charles III, en mai prochain, si les ponts sont rompus entre Harry et le palais de Buckingham. Le dossier est en tout cas loin d’être clos, puisque le prince aurait signé pour quatre livres avec la maison d’édition Random House, Spare inclus. Une entente valant autour de 40 millions US.

Sexe, drogues et talibans en cinq extraits

La première relation sexuelle. Le premier joint. Le premier rail. Le massacre de talibans en Afghanistan. La bagarre avec William. Ce sont les principales révélations du Suppléant. Extraits.

« Je ne me souviens pas comment nous nous sommes procuré de l’herbe. Grâce à l’un de mes copains à Eton, sans doute. Chaque fois que nous en avions, notre petit bataillon allait se retrancher dans une minuscule salle de bain au dernier étage de la résidence, où nous nous mettions en formation de manière étonnamment méthodique ou rigoureuse. »

« Je soupçonnais qu’il s’agissait de mon dépucelage. Un épisode tout récent et peu glorieux, avec une femme plus âgée. Elle aimait les chevaux et m’avait traité comme un petit étalon. Un rapide débourrage, une petite tape sur la croupe et hop, elle m’avait renvoyé au paddock […] Ça s’était passé dans un champ d’herbe, derrière un pub plein à craquer. »

« Bien sûr… je prenais bel et bien de la cocaïne à cette époque… Dans la maison de campagne de quelqu’un, pendant un week-end de chasse, on m’avait proposé un rail et j’en avais consommé en d’autres occasions depuis. Ce n’était pas si amusant que ça, mais ça me faisait éprouver quelque chose de différent et c’était tout l’intérêt pour moi. Éprouver. »

« La plupart des soldats ne peuvent pas vous dire précisément à combien de personnes ils ont ôté la vie. Mais à l’ère des Apache et des ordinateurs portables, tout ce que je faisais lors de mes deux déploiements en Afghanistan était enregistré, horodaté. Je pouvais tenir en temps réel le compte exact des combattants ennemis que j’avais tués. […] Mon chiffre donc : vingt-cinq. »

« Jusque-là, j’avais été mal à l’aise, mais à présent, il [William] commençait à me faire peur. […] Il a reposé son verre, m’a de nouveau balancé une insulte, puis s’est jeté sur moi. Tout s’est passé si vite. Il m’a pris par le col, cassant au passage le collier que je portais, et m’a projeté au sol. Je suis tombé sur la gamelle des chiens, qui s’est brisée sous mon poids et dont les morceaux m’ont entaillé le dos. »