Malgré leur omniprésence dans notre vie courante, réseaux sociaux et nouvelles technologies occupent une place encore timide dans la littérature pour adultes ; comme si ces deux mondes entraient en dissonance en créant quelque bizarrerie rédactionnelle.

C’est pourtant avec aisance que Nathan Devers, du haut de ses 24 ans et d’un pedigree déjà impressionnant (diplômé de la prestigieuse École normale supérieure), a fait des dérives numériques le noyau de son roman. Le décor : Julien Libérat, professeur de piano en perdition, voit sa vie, ses passions et son couple s’émietter en poussière d’ennui. Le décor 2,0 : l’Antimonde, un monde virtuel répliquant à l’exact notre planète et ses villes, propose à ses participants de se refaire une vie numérique bien plus palpitante. Julien, désormais connu sous l’avatar Vangel, s’y jettera à corps (et âme) perdu, délaissant son clavier musical au profit du clavier informatique, jusqu’à devenir une vedette de cette copie carbone de la réalité. Mais pendant qu’il récolte les fruits défendus du succès virtuel, le géniteur de l’Antimonde, drogué à la religion, tire les ficelles à son avantage.

Sur des enjeux hyperactuels abordés de front, le jeune écrivain décrit, avec une certaine candeur et malgré quelques passages ampoulés, à quel point la dictature des écrans et la cyberdépendance sont devenues des phénomènes prégnants de notre siècle, et comment leurs dérives menacent de s’aggraver. Imparfait, mais ambitieux et original, ce roman a beaucoup fait parler à sa sortie, en bien comme en mal, se hissant tout de même dans la liste des finalistes pour le Goncourt et le Renaudot.

Les liens artificiels

Les liens artificiels

Albin Michel

330 pages

7,5/10