Les férus de littérature sont de plus en plus nombreux à découvrir le jeu des « Tranches poétiques » et à s’y prêter en publiant sur les réseaux sociaux d’étonnants cadavres exquis, montés de toutes pièces avec les livres de leur bibliothèque.

A priori, les images semblent banales, représentant une simple pile de romans posée sur une table. Mais en y regardant de plus près, on discerne, au-delà de la petite montagne comme nous en constituons tous chez nous, un message presque caché. En effet, la lecture successive des titres de chacune des œuvres empilées semble former un poème, une mélodie, un appel.

Nuit comme jours/Je voulais écrire un poème/Poème en trois sections/Si décousu/Sans titre/Dans la tourmente/Quel est ce silence/Personne : en mariant des ouvrages de Paul Auster à ceux de divers poètes français, une internaute s’est ainsi amusée, comme des centaines d’autres, à composer une improbable strophe.

Déjà répandu dans le monde anglophone sous le nom « Book Spine Poetry » (une bibliothèque de Saskatchewan organise régulièrement des concours), mais méconnu dans la francophonie, le procédé s’est répandu sur la toile ces derniers jours, les « poèmes-lasagnes » étant publiés et dévorés par une horde d’affamés confinés.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK IMPROBABLES LIBRAIRIES, IMPROBABLES BIBLIOTHÈQUES

La page Facebook « Improbables Librairies, Improbables Bibliothèques » (421 000 abonnés), très suivie au Québec, a popularisé le concept tout en lui décernant un nom de baptême français, soit « Tranches poétiques ».

Leurs longueurs variables, généralement de trois à dix livres empilés, aboutissent à divers résultats : ici, les titres d’un trio de bouquins donnent naissance à un haïku (court poème japonais en 17 syllabes sur trois vers); là, une rêverie décousue s’étire le long d’une colonne de romans superposés. Le sens de ces cadavres exquis, quand il y en a un, apparaît également très divers, entre les compositions vaporeuses et les clins d’œil humoristiques (Le fils du pauvre/Par la pensée constructive/Réfléchissez et devenez riche).

La page Facebook « Improbables Librairies, Improbables Bibliothèques » (421 000 abonnés), très suivie au Québec, a popularisé le concept tout en lui décernant un nom de baptême français, soit « Tranches poétiques ». « Et si vous participiez à ce formidable gâteau littéraire que nous allons pâtisser ensemble à grand renfort de Tranches poétiques ? » lancent les administrateurs, qui ont même formé un groupe pour centraliser les publications envoyées par les internautes.

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La page Facebook « Improbables Librairies, Improbables Bibliothèques » (421 000 abonnés), très suivie au Québec, a popularisé le concept tout en lui décernant un nom de baptême français, soit « Tranches poétiques ».

> Consultez le groupe « Petites tranches poétiques »

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La réponse, immédiate et massive, a permis des mariages incongrus et des cosignatures insolites d’auteurs : entre autres, on a pu voir William Shakespeare et Marc Levy collaborer à la même œuvre, qui l’eut crû ?

La Québécoise Annie Bonin s’est rapidement prise au jeu en voyant parader les photos en réponse au défi; peu étonnant, puisqu’elle travaille comme bibliothécaire à Repentigny. Après avoir agrégé Patrick Senécal, Alexandre Dumas et Victor Lessard pour son poème, elle a invité les membres de son club de lecture à s’essayer à l’exercice, tout en éveillant la curiosité de son fils Maxime, qui a 12 ans. 

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La page Facebook « Improbables Librairies, Improbables Bibliothèques » (421 000 abonnés), très suivie au Québec, a popularisé le concept tout en lui décernant un nom de baptême français, soit « Tranches poétiques ».

« Il a trouvé très amusant de nous voir, mon conjoint et moi, faire des recherches dans notre bibliothèque pour trouver le meilleur poème. Il a donc décidé de le faire lui aussi et a même proposé à son enseignante de présenter cette activité à sa classe », raconte-t-elle. Et Maxime s’en est très bien sorti ! Aïe Aïe Eye/L’invulnérable/Plume s’échappe/Au-delà de l’univers/Plus noir que la nuit, a-t-il composé.

Nul doute que les Québécois confinés seront séduits par ce défi créatif. C’est pourquoi La Presse souhaiterait prendre la balle au bond et inviter ses lecteurs à participer à un défi de « Tranches poétiques » à saveur locale : envoyez-nous une photo de votre composition, avec de trois à dix livres, d’auteurs québécois exclusivement, tirés de votre bibliothèque personnelle. Nous en publierons quelques-unes dans une édition ultérieure. À vos pages, prêts ? Empilez !