Tous ceux qui étaient présents à la salle Wilfrid-Pelletier jeudi soir, dans la salle comme sur scène, connaissaient l’importance de ce gala. Cette soirée devrait passer à l’histoire.

On nous a répété que ce n’était pas une soirée d’hommage à Yvon Deschamps. Dans les faits, non, il n’était pas précisément question d’honorer cet humoriste que tous admirent. Mais, finalement, cet ultime gala Juste pour rire donnait tout de même le sentiment que l’on célébrait cette tradition créée il y a plusieurs décennies, mais aussi ce monument qu’est Yvon Deschamps. Celui-ci remontait sur scène après des années loin des projecteurs, pour cette soirée dont les profits seront remis à sa fondation (qui a pu amasser 500 000 $).

C’est la fin des galas Juste pour rire comme on les a connus. Pour ce dernier moment, qu’il fallait rendre mémorable, devant les 3000 personnes dans la salle Wilfrid-Pelletier, on a vu défiler un nombre impressionnant d’humoristes.

Peu d’occasions permettent d’avoir au même endroit autant de talent d’autant de générations et de styles d’humour différents.

Pour débuter, on nous a demandé d’accueillir « le meilleur humoriste du Québec ». Martin Matte et Patrick Huard sont arrivés ensemble sur scène, tous les deux certains d’être celui qui répond le mieux à l’appellation de « meilleur humoriste du Québec ». Cela a permis un moment de haut calibre, parfaitement baveux, idéal pour commencer les festivités. Moment auquel s’est alors joint Louis-José Houde, qui a ajouté une autre bonne couche d’arrogance à l’échange. Chaque fois, les ovations ont accueilli les humoristes.

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Patrick Huard, Louis-José Houde et Martin Matte

Le trio a ensuite présenté un humoriste « qui doit rêver d’un jour être hot comme [eux] autres », celui qui a reçu l’ovation la plus sentie, à laquelle il a dû lui-même mettre fin : Yvon Deschamps. Celui-ci a présenté un monologue durant lequel il s’est glissé dans la peau d’un personnage à la retraite « raciste, mais qui ne le sait pas ». Le numéro, rempli d’une tonne de clichés sur les « ethniques », a beaucoup fait rire l’auditoire, dont beaucoup s’étaient assurément déplacés pour voir M. Deschamps remonter sur scène.

De Boucar à Lemire

Ce fut ensuite au tour de Boucar Diouf de se présenter à la salle Wilfrid-Pelletier. Précédé par Martin Matte (qui a d’abord rappelé qu’Yvon Deschamps était celui qui l’avait présenté lors de son premier gala et lui a rendu un bel hommage), Diouf a été excellent. Il a raconté la façon dont son apprentissage de la culture québécoise est passé par Yvon Deschamps, dont il regardait les spectacles. L’humoriste d’origine sénégalaise a raconté les choses qui l’ont surpris en arrivant au Québec : les pets de sœur, le fait de remplacer la moitié des verbes par « aweille », l’expression « péter au frette » et autres spécificités linguistiques québécoises.

Il a été divertissant de voir des humoristes aux registres si divers se relayer sur scène. Guillaume Pineault, qui venait ensuite pour son solo, a été présenté par l’excellente Maude Landry, à qui on aurait donné un plus long moment sur scène.

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Maude Landry

« C’est le dernier gala ! Ce soir, on dit adieu à quelque chose de culte, qui a marqué les générations », a lancé Landry, juste avant, se demandant pourquoi on mettait fin aux galas.

Guillaume Pineault a été solide, axant son solo autour du fait qu’il n’avait pas eu le temps d’écrire son numéro et que l’idée lui avait causé énormément de stress. Si nous avons entendu devant nous un couple se demander « c’est qui Guillaume ? » lorsqu’il est arrivé, l’ovation qui a suivi son passage semblait annoncer que beaucoup qui ne le connaissaient pas se souviendront de lui. C’est ce qu’il y a de bien, notamment, avec les galas.

« Je vais être plus contente plus tard d’avoir été ici ce soir », a confié Virginie Fortin, prévoyant déjà pouvoir se vanter d’avoir fait partie de ce moment historique. L’humoriste a présenté le groupe Samedi de rire – dont les membres, eux, contrairement à Guillaume Pineault, ont été reconnus par la foule, qui s’est tout de suite levée.

Ce retour dans le temps orchestré par Yvon Deschamps, Michèle Deslauriers, Normand Brathwaite, Pauline Martin et Normand Chouinard, avec un numéro exclusif, a tout à fait ravi le public, qui connaissait chaque personnage.

C’était drôle, mais c’était aussi un autre de ces moments de la soirée dont on sait déjà qu’ils marqueront certains membres du public pendant longtemps, car ils ne se produiront peut-être plus jamais.

Daniel Lemire (dans son mythique personnage d’oncle Georges), accompagné de Rosalie Vaillancourt (jouant une enfant aussi adorable que fatigante), ont tout autant fait plaisir aux spectateurs avec leur sympathique numéro.

Voir l’histoire s’écrire

Souvent durant cette soirée, on est passé de la nouvelle à la plus ancienne génération, on les a fait se rencontrer, on a proposé au public de goûter à un large échantillon de ce qui se fait de mieux dans l’humour québécois francophone.

Après Daniel Lemire et Rosalie Vaillancourt, Neev a présenté Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques. Fidèle à lui-même, il a intelligemment raconté à quel point sa vie était en décalage avec celle de la masse.

Pour son 16e gala, Korine Côté (présentée par Simon Gouache) a décidé de se rendre hommage à elle-même, en se remémorant d’abord son premier numéro en gala. Elle a ensuite fait s’esclaffer la foule sans arrêt grâce à ses remarques pleines d’esprit sur les choses banales et moins banales de la vie.

« Le gala Juste pour rire a changé ma vie », a ensuite raconté Mariana Mazza avant de se lancer dans un autre hommage (cette fois complètement décalé et déplacé, mais très drôle) à Yvon Deschamps.

Sam Breton, un autre favori, a également commencé avec un clin d’œil à « Yvan Beauchamp », avant de se lancer dans une amusante tirade sur ses TOC ménagers. Il a parlé de ses quatre balayeuses, de sa manie de nettoyer le bain après chacune de ses douches, de son obsession avec la « bonne » manière de remplir le lave-vaisselle, déclenchant chaque fois de bons éclats de rire.

La soirée s’est conclue en grand. Laurent Paquin a animé une émission de tribune téléphonique, intitulée C’est quoi le problème ?, durant laquelle ses collègues humoristes ont passé des appels pour se plaindre de tout et de rien. Mona de Grenoble, Cathy Gauthier, Louis T, Pierre-Yves Roy-Desmarais, Mélanie Couture, François Léveillée, Silvi Tourigny, Michèle Deslauriers et Stéphane Fallu se sont habilement succédé sur scène avec des appels variés passant de l’humour criard à l’absurde. Yvon Deschamps est celui qui a passé le tout dernier appel : « Il y en a un, de problème : le gala est fini… »

Tous les humoristes du gala sont alors montés sur scène pour partager un dernier moment chargé d’émotion. Un ultime instant dans la soirée qui nous a fait sentir qu’il était important d’être là pour en être témoin.