Sherlock Holmes de salon, Miss Marple de l’écran plat et autres Hercule Poirot de la tablette, astiquez vos monocles, dépoussiérez vos chapeaux de feutre et cirez vos moustaches fournies, car une nouvelle partie de Clue télévisuel s’amorce avec le retour d’Aller simple sur les ondes de Noovo.

Réglez vos horloges coucous pour mercredi à 20 h. Des cadavres s’empilent, des gens s’épient, se droguent, creusent des tombes, cachent des infos aux flics, bref, il y a de la belle matière à examiner avec les lunettes du professeur Plum.

Ce deuxième volet d’Aller simple, toujours pondu par Bernard Dansereau, Annie Piérard et leur fils Étienne, propose une nouvelle investigation aucunement liée à la première, mais qui ramène ses deux personnages pivots, soit l’enquêteuse Juliette Michaud (Anick Lemay) et son amoureux Thomas (Jean-Nicolas Verreault), un ex-policier forcé à l’arrêt, qui se déplace en fauteuil roulant.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Les trois scénaristes derrière Aller simple : Bernard Dansereau, Annie Piérard et Étienne Piérard-Dansereau

Pendant qu’ils rénovent leur condo à Montréal, Juliette et Thomas s’installent dans une maison décatie au fond d’un rang à Bedford, dans les Cantons-de-l’Est. Leurs seuls voisins immédiats ? Les occupants d’une fermette écologique, des trentenaires qui rêvent d’autosuffisance, de poules élevées en liberté et de légumes bios.

Comme dans Rear Window d’Alfred Hitchcock, une influence 100 % assumée, Thomas écoule ses journées à la fenêtre en écorniflant et en espionnant les jeunes d’en face. Une vraie belette. Son intérêt, alimenté par l’ennui, frôle l’obsession malsaine.

Détective un jour, détective toujours, Thomas s’intéresse aux sept fermiers de la commune et particulièrement à Ariane Duclos (Rosalie Bonenfant), une pétillante actrice très Greta Thunberg, aussi bavarde qu’active sur les réseaux sociaux.

Rapidement, au premier épisode, le portrait campagnard idyllique s’assombrit avec l’arrivée à la ferme de Xavier Marchand (Antoine Olivier Pilon), qui prétend chercher un lieu de tournage pour un gros film américain. Ce personnage étrange de Xavier déclenchera une cascade d’évènements qui plongeront les apprentis fermiers dans un état de panique plus grave que leur écoanxiété.

J’ai adoré l’aspect « vintage » du premier chapitre d’Aller simple, qui a fracassé des records d’écoute à l’hiver 2022. Un chalet rustique, des étrangers forcés à fraterniser dans un lieu coupé du monde, un milliardaire excentrique qui tire les ficelles, des capsules web inquiétantes, cette minisérie à la Knives Out était d’une efficacité redoutable.

Le deuxième volet, intitulé Aller simple : Survivre, se débarrasse de son aspect « huis clos », ce qui enlève une partie du plaisir à découvrir qui a fait quoi dans l’histoire, je trouve. Les suspects ne vivent plus emprisonnés, ils se baladent librement et pianotent sur leur iPhone, alors que la fuite, virtuelle ou réelle, s’avérait impossible dans la première saison.

L’assassin – ou la tueuse ? – vivait sous le même toit que ses futures victimes, allô la tension, la méfiance et la paranoïa. Et impossible pour les réfugiés de la maison d’été d’appeler la police (pas de réseau !) ou de se sauver en auto, on les croyait morts dans un crash d’hélicoptère. Du pur et délicieux Agatha Christie, avec une touche surannée fort agréable.

Cela dit, Aller simple : Survivre, de facture plus moderne, ne décevra pas les fans de suspense. Au contraire. Les trois scénaristes savent écrire des intrigues captivantes et ponctuent chacun des six épisodes d’un revirement surprenant, qui provoque le désir de revenir à Noovo le mercredi suivant pour poursuivre l’enquête.

Sachez-le, aucun indice n’a été planté au hasard dans les dialogues ou dans les images d’Aller simple : Survivre. Chacun des détails compte, qu’il s’agisse d’un sous-vêtement féminin ou d’une réplique supposément anodine. Une musique angoissante ponctue encore habilement les moments les plus tendus de ce meurtre et mystère classique dans sa forme.

Sans ne rien divulgâcher, on devine que le « coupable » figure parmi le groupe des sept « gentlemen fermiers », dont le couple formé par Sophie Nélisse et Anglesh Major, parents du bébé Gabin. Un deuxième couple, joué par Rose-Marie Perreault et Nahéma Ricci, éveille aussi plusieurs soupçons.

Remarquez, ça pourrait également être le nerd du groupe (Simon Landry-Désy) ou l’ami bienveillant (Charles-Aubey Houde). Et n’écartons pas non plus la comédienne incapable de garder un secret (Rosalie Bonenfant).

En plus du côté policier, Aller simple aborde un sujet très contemporain : notre présence numérique, les traces qu’on laisse et la facilité avec laquelle il est possible de garder quelqu’un vivant sur Facebook ou Instagram en ayant accès à son téléphone cellulaire.

Voilà peut-être un indice qui orientera votre chasse au responsable de la mort de plusieurs figures importantes de cette minisérie. Car oui, les personnages tombent comme des mouches dans Aller simple, ce qui raccourcit la liste des criminels potentiels.

Dernier détail titillant : le réalisateur Rafaël Ouellet a emprunté des codes de films d’horreur comme Scream ou I Know What You Did Last Summer pour brouiller les pistes.

Il n’y a pas de pêcheur à chapeau jaune dans Aller simple : Survivre, mais il y a un énorme crochet dans le texte qui nous attrape et nous cloue au sofa pas mal plus longtemps que l’appel téléphonique de Drew Barrymore dans le premier Scream, ça, c’est certain.