Il y a 11 carillons de niveau international au Canada, mais seulement un au Québec. Il se trouve à l’oratoire Saint-Joseph. Si je vous en parle, c’est que ses 56 cloches viennent d’effectuer un voyage en France d’où elles sont revenues plus étincelantes que jamais.

Cette cure de rajeunissement était nécessaire après leurs 68 ans d’existence. Les aléas de nos saisons les avaient abîmées. Leur sonorité s’en trouvait altérée. Elles ont donc été envoyées à la fonderie Paccard, à Annecy-le-Vieux, une maison française qui existe depuis 1796 et qui a conçu l’ensemble du carillon au début des années 1950.

Ces cloches ont une histoire fascinante. Je dirais même qu’elles ont quelque chose de légendaire. Il faut savoir qu’elles étaient d’abord destinées à la tour Eiffel. Les raisons pour lesquelles elles n’ont pas été installées dans la célèbre structure métallique demeurent aujourd’hui nébuleuses.

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Cette cure de rajeunissement était nécessaire après leurs 68 ans d’existence.

C’est pourquoi je suis allé fouiller dans les archives du journal Le Monde pour y apprendre qu’en 1952, un groupe nommé Les amis de la cloche a milité pour l’ajout d’un carillon dans la tour Eiffel. Sa démarche était appuyée par le Dr Véricourt, un conseiller municipal. Mais dans le numéro du 11 juin 1952, on apprend que « le carillon de la tour Eiffel n’est pas près d’être installé ».

On invoque alors des « raisons techniques ». À force de lire sur le sujet, j’ai compris que des tests sonores ont démontré que les doux sons du carillon parvenaient très mal aux visiteurs du Champ-de-Mars, les bruits ambiants de Paris causés par les véhicules de toutes sortes brisant la magie et gâchant l’effet escompté.

Les cloches ont donc sommeillé quelques mois en France jusqu’à ce que des dévots québécois aient l’idée « d’emprunter » temporairement le carillon afin de souligner le 50e anniversaire de l’oratoire Saint-Joseph. Une entente fut prise et le carillon de 11 000 kg a été livré chez nous à la fin de l’année 1954.

  • Le bénédiction des cloches, le 27 février 1955, par des évêques

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    Le bénédiction des cloches, le 27 février 1955, par des évêques

  • Le cardinal Paul-Émile Léger lors de l’évènement

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    Le cardinal Paul-Émile Léger lors de l’évènement

  • La bénédiction des cloches, avec vue sur le chœur de la basilique

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    La bénédiction des cloches, avec vue sur le chœur de la basilique

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Une cérémonie destinée à bénir les cloches a eu lieu le dimanche 27 février 1955. C’est évidemment le cardinal Léger, entouré de 10 évêques, qui a eu cet honneur. Tous les journaux de l’époque, La Presse en tête, ont fait grand bruit de cet évènement. Les concerts de carillons furent très courus cet été-là.

Il semble que l’ensemble des 56 cloches n’était pas complet lors de son arrivée. Le 13 avril 1955, il est question d’une autre bénédiction de cloche, celle de la 52e (fa dièse de la troisième octave) et de la 53e (sol dièse de la troisième octave). En septembre, ce fut au tour de la 55e cloche d’être aspergée d’eau bénite.

Un campanile temporaire a été bâti au pied de l’Oratoire pour accueillir le carillon. Les Montréalais et les nombreux visiteurs ont rapidement succombé au charme de cet instrument rare et intrigant. Précisons que les cloches d’un carillon ne bougent pas. Les sons sont créés par des battants (tiges) qui frappent les cloches. Le carilloniste active ces battants en poussant vers le bas des leviers et en utilisant un pédalier.

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Inauguration du carillon, le 15 mai 1955

Rapidement, des donateurs se sont rassemblés dans le but de faire l’achat du carillon. Des mécènes (pompeusement identifiés dans les journaux) ont fait l’acquisition de certaines cloches, donnant leur nom à celles-ci. C’est ainsi que l’oratoire Saint-Joseph est devenu propriétaire de ce carillon qui fait aujourd’hui partie de notre patrimoine.

Tradition oblige, les cloches restaurées à coups de « plusieurs centaines de milliers de dollars » ont été bénies samedi. Elles devront toutefois patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile d’une modernité certaine. La structure de verre qui protégera les cloches fait partie des vastes travaux qui sont effectués sur les terrains de l’Oratoire depuis 2018.

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De gauche à droite : Andrée-Anne Doane, carilloniste titulaire de l’oratoire Saint-Joseph, et Céline Barbeau, directrice des communications de l’Oratoire

La restauration des cloches est un jalon important des travaux. Ceux-ci avancent bien. Nous espérons terminer le tout avant l’hiver.

Céline Barbeau, directrice des communications de l’oratoire Saint-Joseph

Les anciennes cloches auront bientôt de nouvelles sœurs. En effet, on a retrouvé deux cloches ici et on en a fait fabriquer quatre autres. « Je vais maintenant jouer sur 62 cloches, dit fièrement Anne-Andrée Doane. Un carilloniste dispose d’octaves devant lui, comme un clavier. On peut jouer à quatre mains, ce qui donne de beaux effets. »

Claude Aubin a été carilloniste titulaire de 1974 à 2009. C’est lui qui a formé Andrée-Anne Doane. Cette dernière a eu la chance de parfaire sa formation avec la carilloniste du parlement d’Ottawa.

  • Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

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    Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

  • Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

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    Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

  • Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

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    Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

  • Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

  • Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

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    Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

  • Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

  • Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

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    Les cloches devront patienter dans des caisses jusqu’à l’automne avant d’être installées dans un nouveau campanile.

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Celle qui a fait partie des chœurs de l’Oratoire alors qu’elle était plus jeune offre deux concerts de carillon par jour (du mercredi au dimanche). Elle est en train de former l’un de ses fils, étudiant à l’école Vincent-d’Indy. « Il pourra me remplacer de temps en temps », dit-elle.

Ceux qui se demandent s’il existe des restrictions quant au choix des pièces qui sont jouées à l’Oratoire, sachez que chaque carilloniste possède son propre répertoire. « Oui, il y a de la musique sacrée, mais aussi des œuvres classiques, dit Andrée-Anne Doane. Et puis, je m’offre quelques fantaisies. À l’Halloween, il m’est arrivé de faire le thème du Fantôme de l’opéra. »

En attendant de retrouver son clavier, qui sera installé dans le campanile sous le carillon, Andrée-Anne Doane va continuer d’offrir ses concerts quotidiens à partir d’un clavier numérique. « Le son est presque identique, dit-il. C’est à s’y méprendre. Mais ce n’est pas comme jouer sur un vrai carillon. »