Les gens qui aiment Succession adorent Succession. Ils décortiquent les épisodes au scalpel (la ligne est sur ou sous le prénom de Kendall ?), lisent toutes les analyses reliées à cette émission d’ultrariches (oui au luxe discret !) et en parlent comme si c’était la meilleure télésérie du monde (ça l’est !).

Les fans de Succession, qui louangeront longtemps la finale épique de dimanche soir, qui a duré 90 belles minutes de bonheur acide sur Crave, forment une clique intense et hermétique. Et cette dévotion devient rapidement agaçante, voire gossante, pour ceux et celles qui n’ont jamais embarqué dans cette œuvre de HBO autant cruelle et brillante que grinçante et impitoyable.

Même si je n’adhère pas à leur haine, je comprends les téléphiles qui détestent la famille Roy, dont les trois enfants toxiques Kendall, Shiv et Roman s’entredéchirent depuis quatre saisons pour hériter du contrôle de l’empire médiatique de leur père Logan, une brute finie qui les aura manipulés jusque dans son cercueil, le vieux maudit.

Succession s’apprivoise lentement, quitte à lui redonner une deuxième chance au visionnement, comme on le fait pour le crédit.

Les personnages, presque tous antipathiques et mésadaptés, hésitent, bégaient et se coupent la parole, ce qui insuffle un rythme étrange et inhabituel aux épisodes.

Et pas question d’éplucher Instagram pendant une heure de Succession. Focus ! Tous les microdétails comptent. Les insultes sortent de la bouche de Roman ou de Shiv comme des poèmes. Et la qualité du jeu et des textes y atteint des sommets, c’est du grand art.

Cette quatrième et dernière saison de Succession a renfermé des scènes épiques, dont celle du balcon entre Shiv et son mari, Tom, qui ont réglé leurs comptes d’une façon sauvage et implacable. Le poignant épisode des funérailles a révélé les failles et la vulnérabilité du benjamin Roman, qui s’est effondré devant le futur président des États-Unis et tout le gratin de Wall Street.

Puis, cette finale, qui a réuni les ustensiles fétiches de Succession, soit des couteaux dans le dos et une immense guillotine industrielle. L’alerte au divulgâcheur joue ici dans les haut-parleurs comme un rap malaisant de Kendall Roy à un gala honorant son paternel. Ça va ?

Succession a fini à la Succession : dans la déception, la manigance et la trahison. Aucun des quatre enfants de Logan Roy n’a obtenu les précieux jouets. C’est le gendre malléable Tom Wambsgans, alias la carpette humaine, qui a raflé le pactole, en partenariat avec le patron excentrique de la firme suédoise GoJo, Lukas Matsson.

Le moment inconfortable où Shiv a déposé sa main dans celle de son mari, Tom, sans ne jamais la serrer, a encapsulé parfaitement l’esprit cynique de Succession. Au bureau comme à la maison, on fait des compromis qui nous écœurent, on se pince le nez, on oublie ses principes et on avance.

Armée du vote décisif, Shiv a eu à choisir entre son grand frère pathétique et son époux Judas. Elle a opté pour le moins mauvais des scénarios, pour elle, et renoncé à son rêve de PDG.

Mais ce qui est davantage ressorti de ce dixième et dernier épisode, c’est à quel point Shiv, Kendall et Roman ont été brisés par leurs parents. Leur mère, Caroline, les a carrément abandonnés. Leur père les a négligés, privés d’affection et montés les uns contre les autres.

C’était ça, Succession. Des enfants carencés en perpétuelle quête de reconnaissance et d’amour, mais condamnés à la déception (c’était vraiment bon).

Le banc de poissons, la suite

PHOTO FOURNIE PAR SURVIVOR QUÉBEC

Des candidats de Survivor Québec

Les monteurs de Survivor Québec ont redoublé d’ardeur dimanche pour tricoter une histoire bourrée de suspense et de tension. Oh, Jean-Junior prépare l’éviction de son alliée Karine ! Hiii, Kimberly manigance pour expulser le gourou JJ de la tribu ! Hou, peut-être que la guillotine tombera sur la tête de la fonctionnaire Justine ! L’alliance majoritaire se fissure !

Toutes ces fausses pistes – ou ces espoirs de téléspectateurs exaspérés ? – ont débouché sur un des conseils de tribu les plus prévisibles et les plus longs de la saison.

Beaucoup de bla-bla pour absolument rien de rien. Heureusement, les mimiques des deux premiers membres du jury, Sango et Joël, ont été distrayantes.

Mais sans surprise, les votes ont été répartis entre Maryse et Sandrine, les deux pions du groupe dominant, et c’est Maryse qui a été catapultée à l’île de la Rédemption, l’endroit le plus assommant des Philippines. Honnêtement, les segments des deux joyeux naufragés (Sylvain et Nicolas) qui prient la poule pondeuse apportent peu à l’histoire.

De retour à Pag-Asa, où le chandail de Chris Tie Dye poursuit sa descente vers une couleur brunâtre unie, l’influence du gourou JJ ne rétrécit pas, au contraire. Les quatre membres de sa secte le suivent aveuglément, hypnotisés, tétanisés et incapables de se forger un plan de sortie. C’est désespérant.

Cette stratégie de jeu s’apparente, en langage de Survivor, à celle du « Pagonging ». Elle a été déployée dans la première saison de Survivor sur CBS où la tribu Tagi, après la fusion, a éliminé un à un les membres de la tribu rivale Pagong, étouffant toute possibilité de revirement. C’est, à quelques détails près, ce qui se produit à Survivor Québec depuis quelques semaines.

En même temps, JJ remporte d’importantes épreuves d’immunité et il dispose d’un allié indéfectible (Christophe), on ne peut pas lui en vouloir de bien réussir dans le jeu. Par contre, on peut soupirer devant l’inaction et la naïveté de Justine, Karine et Kimberly, les prochaines – après Sandrine – à passer à la trappe si elles ne sortent pas un collier artisanal d’un morceau de jute. Comme le disait Shania Twain en 1997 : « Let’s go, girls ! »