S’il y a un chien qui a mérité sa médaille, c’est bien mon beau Gaston, un attachant carlin qui aurait fêté ses 13 ans en septembre.

Pendant des années, cette petite fripouille poilue a enduré l’intégralité de L’échappée et des centaines d’heures de téléréalités soufflées à l’hélium que je lui ai imposées sans son consentement.

Gaston ne s’en formalisait pas du tout, au contraire. Il ronflait sur mes cuisses en recevant des tonnes de câlins. Pour la forme, il grognassait quand je me levais pour aller à la salle de bains ou si je changeais de position sur le sofa.

Mais en deux secondes, boum, il retombait dans les bras de Murphy, oui, c’est un gag, complètement insensible à Gabriele de L’île de l’amour qui a été « émotif dans le fait qu’il ressente ses émotions », genre.

Gaston a été le meilleur des meilleurs compagnons de soirée télé, une présence réconfortante à la fois bruyante et chaleureuse. J’écris ces phrases au passé avec le cœur qui fend en deux, car j’ai dû le laisser partir vendredi après-midi, par une magnifique journée de printemps, sa saison préférée, où il pouvait renifler chacun des troncs d’arbre du parc Molson pendant des heures, sans blague.

Enroulé dans une couverture molletonnée et confortablement installé dans une pièce à la lumière tamisée, Gaston a fait son dernier dodo dans la douceur et la sérénité, tandis que je lui flattais la tête et lui caressais une patte, qui sentait encore les Doritos, comme toujours.

Ses grands yeux en forme de bille se sont lentement fermés pendant que je lui rappelais à quel point il avait été important dans ma vie. Il était fatigué, mon beau Gaston au visage plissé. Et il souffrait. Autant son départ m’attriste, autant je sais que c’était la bonne chose à faire.

Avant l’euthanasie, que tous les maîtres redoutent dès l’adoption, j’avais aussi pris un moment avec mon petit pug adoré, seul à seul, pour le rassurer, pour lui dire que c’était OK, qu’il avait eu une bonne vie bien remplie, qu’il pouvait s’en aller, qu’il avait été aimé, qu’il avait rendu plein de gens heureux autour de lui et que je ne l’oublierais jamais.

Je le sais, si vous n’avez pas d’animal domestique, vous vous dites sûrement : voyons, lui, il est donc bien intense, c’est quand même juste un chien, pas un être humain.

Il faut vivre un départ comme celui de mon Gaston pour réaliser à quel point ces charmantes bêtes prennent de l’importance dans nos vies. Ma maison n’a jamais été aussi silencieuse que depuis trois jours. C’est un immense vide qui s’installe. J’entends encore sa médaille tinter dans le corridor et le cliquetis de ses griffes sur le plancher de bois franc. C’est irréel. Son poil doux, qu’il perdait par mottes, roule encore dans toutes les pièces de l’appartement, ultime signe de son passage sur cette Terre.

Trapu et costaud, une sorte de douchebag canin, Gaston était un petit rôti de porc de 24 livres planté sur quatre cure-dents.

C’était un toutou enjoué et comique qui déplaçait beaucoup d’air, même dans ses derniers mois.

Il dévorait ses croquettes comme un homme des cavernes. Il vidait son bol d’eau en éclaboussant partout. Il ronflait comme un tracteur John Deere, pétait sans gêne, rotait après avoir bouffé trop de croustilles et jappait quand le Uber Eats sonnait à la porte, non pas pour me prévenir d’un danger immédiat, mais parce qu’il espérait obtenir un bout du festin.

Et il en recevait toujours, comment résister à ses yeux suppliants, sa petite langue rose pendue et sa tête penchée sur le côté ?

Autour de moi, tout le monde adorait Gaston le gourmand, particulièrement les enfants, avec qui il était d’une patience infinie.

On les pense éternels, nos amis à quatre pattes.

Dans la dernière année, Gaston commençait à perdre la vue et n’entendait plus très bien… sauf quand un sac de Cheetos s’ouvrait dans la cuisine, c’est drôle, là, il avait une oreille bionique (et soyeuse, je ne me tannais jamais de les caresser).

Le mois d’avril a été plus pénible pour Gaston. Les escaliers devenaient difficiles à monter et à descendre. Je mettais ça sur le dos de la vieillesse, il s’en allait sur ses 13 ans, c’est normal d’avoir des raideurs aux articulations, non ?

Puis, la semaine dernière, Gaston a cessé de manger. Son bol de nourriture restait rempli, du jamais-vu pour ce glouton notoire. La dernière nuit qu’il a passée à la maison, je lui ai préparé un snack de cubes de cheddar fort, sa gâterie préférée. Il a tout avalé. Ce fut son dernier repas.

À part pour les deux derniers jours, je n’avais aucunement soupçonné la gravité de la maladie de ma petite patate d’amour : tumeur à la colonne vertébrale, qui le paralysait lentement et qui l’empêchait encore plus de bien respirer.

La vétérinaire qui nous a reçus, lui en douleur, moi en pleurs, a été parfaite. À presque 13 ans, Gaston était arrivé au bout de son chemin. Et j’étais prêt à franchir le dernier pas avec lui.

Aimer nos animaux, c’est aussi savoir les laisser partir. Je m’ennuie déjà de lui terriblement. Bon voyage, mon petit bébé doux.