Chaque printemps pendant mon adolescence, en jeune geek de musique classique, je passais des heures rivée à la radio pour écouter en direct les épreuves du Concours musical international de Montréal (CMIM).

Exactement comme on peut passer des heures devant les Jeux olympiques, surveillant nos épreuves préférées, comparant les prouesses des athlètes. Ces moments de virtuosité délirante, d’acrobatie où on retient notre souffle, on pourrait d’ailleurs imaginer la voix d’Alain Goldberg s’y déposer délicatement : « Elle accélère… c’est réussi ! Maa-gnifique… »

Plus tard, j’ai couvert quelques éditions du CMIM comme journaliste culturelle, fascinée par ces jeunes musiciens incandescents, venus des quatre coins du monde pour se dépasser sous haute surveillance.

Ce concours a un cycle particulier : ses éditions sont réservées tour à tour au chant, au piano, puis au violon, comme c’est le cas cette année.

J’ai toujours eu un faible pour les années violon. J’avais des amis violonistes, j’admirais le lien physique exigeant qu’ils vivaient avec leur instrument : le corps du violoniste a quelque chose du bonsaï, une contorsion devenue naturelle… à force de temps et de travail.

Le répertoire du violon est imposant : Bach, obligatoire dès la première épreuve du concours, les grandes sonates, qu’on entend pendant les demi-finales, puis les immenses concertos de la finale.

Le web a pris le relais de la radio conventionnelle : le site du concours présente tout, en direct. Ici Musique Classique diffusera pour la première fois les demi-finales, les 29 et 30 avril, et servira les meilleurs moments du concours en une soirée spéciale, le 8 mai, tout ça animé par Marie-Christine Trottier.

Mais rien ne dépasse l’expérience en salle : les fidèles comparent les interprétations, y vont de leurs commentaires pendant les pauses, s’enflamment pour une personnalité charismatique.

Avant de devenir directrice générale et artistique du concours en 2012, Christiane LeBlanc a connu l’évènement comme réalisatrice : « Peu de temps après mon arrivée à Radio-Canada, j’ai été affectée au concours. Je vivais dans les coulisses, du début à la fin. Le public était nombreux et très mobilisé : le dernier soir des finales, les plus fidèles apportaient des nappes et pique-niquaient sur l’esplanade de la Place des Arts pendant les délibérations du jury ! »

Je lui demande ce qui l’a amenée à faire le saut de la radio à la direction du CMIM : « Je m’étais déjà occupée du concours de Radio-Canada, des Révélations en musique. En fait, j’aurais pu être agente d’artiste : il n’y a rien de plus excitant que de repérer un nouveau jeune talent. C’est ce qu’on vit chaque année au concours ! »

Les plus forts, on les reconnaît dès la première épreuve, même si le classement final peut réserver des surprises.

Christiane LeBlanc, directrice générale et artistique du Concours musical international de Montréal

Mais elle dit aux 24 jeunes musiciens sélectionnés qu’ils sont déjà gagnants : le travail de préparation, les rencontres qu’ils font à Montréal, tout peut contribuer à leur évolution. « J’aime les entourer, les soutenir, leur donner des conditions optimales. On a de bonnes salles, de bons pianos, on réserve et paye leur billet d’avion, ce qui est rarissime dans le réseau des concours, mais qui permet d’attirer des candidats d’Europe et d’Asie. » C’est grâce à un groupe de gens d’affaires qui parrainent chacun un candidat, en versant 2500 $.

Pour Christiane LeBlanc, l’accueil est au cœur de la philosophie du CMIM : « Chaque candidat est pris en charge dès l’aéroport par une famille d’accueil qui s’en occupe pendant les deux semaines du concours : un engagement bénévole remarquable. Ça crée un filet de sécurité pour ces jeunes qui viennent de loin et vivent une barrière linguistique. »

Les violonistes ont souvent moins de 20 ans : « Ce sont presque des enfants, mais leur aplomb sur scène est époustouflant. »

C’est qu’ils ont déjà du métier, plusieurs courent les concours depuis leur enfance. Pour la deuxième fois, on présentera d’ailleurs un évènement pré-concours appelé Mini Violini : deux concerts de jeunes virtuoses de 10 à 14 ans, choisis par l’équipe du CMIM, souvent lauréats de concours junior. Le public adore et remplira probablement la salle Bourgie, les 22 et 23 avril prochains.

Autre évènement attendu à la salle Bourgie, le 28 avril à 14 h 30, la conférence de la professeure Mary-Elizabeth Brown, qui vient présenter son violon 3D : un instrument imprimé en 3D, qu’on peut reproduire au coût de sept dollars ! De quoi révolutionner la pédagogie musicale en milieu défavorisé, ce courant qui fait ses preuves un peu partout.

Christiane LeBlanc va quitter la direction du CMIM au terme de cette édition 2023. Elle est heureuse de laisser une organisation en bonne santé : « Je suis surtout fière de la communauté tissée autour du concours par les donateurs, les partenaires et les familles d’accueil. »

J’ai participé à un seul concours, nord-américain, qui avait lieu à Tallahassee, capitale de la Floride. Pas de famille d’accueil, mais l’hôtel officiel y était allé d’un affichage improbable sur sa marquise : « Welcome Harpsichordists ! »

J’avais 20 ans, je suis sortie de la finale avec une « mention honorable », bien décidée à ne jamais revivre un stress aussi dévorant.

Je serai toujours impressionnée par ceux qui courent les concours avec grâce.

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