Dans les rues de Paris, des colonnes Morris renvoient les images de la nouvelle production de Starmania dont la grande première aura lieu le 8 novembre à la Seine Musicale, lieu contemporain situé loin des Grands Boulevards. Sur les affiches, on mise sur deux choses : les créateurs Luc Plamondon et Michel Berger, de même que les personnages (Zéro Janvier, Marie-Jeanne, Cristal, etc.).

Quarante-trois ans après sa création, c’est ainsi que l’on « vend » le célèbre opéra rock. Il semble que cette stratégie porte ses fruits, car des dizaines de milliers de spectateurs se sont déjà procuré des billets pour voir ce spectacle qui a souffert de quelques reports à cause de la COVID-19.

Après la tournée européenne avec l’OSM, j’ai mis le cap sur la Ville Lumière, trop curieux de voir comment les propos de ces personnages qui « cherchent la lumière » résonnent encore.

Qu’ont à dire en 2022 cet homme d’affaires assoiffé de pouvoir, cette animatrice de télé pondeuse de talents, cette star déchue, cette serveuse de café désœuvrée, cet homosexuel solaire et ce travesti machiavélique ?

Selon les premiers échos provenant des avant-premières présentées à Nice, à Marseille et à Nancy, leurs propos font encore mouche. Cette production, mise en scène par le très doué Thomas Jolly (il sera le maître d’œuvre de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris en 2024), a tout pour séduire le jeune public. Et combler celui qui connaît par cœur les chansons.

Une solide présence québécoise

À part la première production, en 1979, qui comportait quelques noms connus (France Gall, Diane Dufresne), celles qui ont suivi ont contribué à catapulter de nombreux talents qui étaient inconnus. Et comme ce fut le cas pour les productions antérieures, plusieurs interprètes québécois apportent leur savoir-faire.

C’est à David Latulippe, ancien participant de La voix, qu’on a confié le personnage de Zéro Janvier et l’interprétation du fameux Blues du businessman. Miriam Baghdassarian, révélée elle aussi grâce à La voix, s’empare de Sadia. Pour sa part, Gabrielle Lapointe personnifie Cristal en alternance avec la chanteuse marocaine Lilya Adad. Quant à William Cloutier, grand gagnant de Star Académie 2021, il est la doublure de Johnny Rockfort interprété par le chanteur français Côme.

PHOTO RENAUD LABELLE, COLLABORATION SPÉCIALE

David Latulippe, interprète de Zéro Janvier dans la nouvelle production de Starmania

Figure connue des spectacles Band on Tour, Saturday Night Fever et Icons on Tour, David Latulippe vit un rêve éveillé. À la fin de 2019, il a auditionné pour obtenir le rôle de Ziggy après avoir vu une annonce sur Facebook. Cela s’est fait devant Luc Plamondon, Thomas Jolly et Rafaël Hamburger, fils de Michel Berger. « On m’a demandé si je connaissais une autre chanson de Ziggy, m’a-t-il raconté jeudi après une longue journée de répétition. J’ai répondu non, mais j’ai ajouté que je connaissais Le blues du businessman. »

Un choc a eu lieu. Les choses se sont ensuite déroulées très vite. David Latulippe a rechanté le lendemain devant le comité de sélection. « On m’a appelé le jour suivant pour me dire que j’étais leur Zéro Janvier. Je ne le croyais pas. »

Le chanteur de 31 ans a été très étonné de voir qu’on l’imaginait dans ce rôle plutôt que dans celui de Ziggy.

Je pense qu’on voulait un Zéro Janvier qui représente davantage un jeune homme d’affaires très ambitieux comme il en existe beaucoup. Il n’est pas aimable, mais j’adore jouer ça.

David Latulippe

De son côté, Miriam Baghdassarian a été invitée par son agence (Musicor) à auditionner pour le rôle de Sadia. Elle a dû apprendre les chansons du personnage (Ce soir on danse à Naziland et Travesti) en deux jours. « C’était trop cool ! En plus, je me suis aperçue que Nanette Workman [qui a créé Sadia en 1979] faisait partie du comité. »

PHOTO RENAUD LABELLE, COLLABORATION SPÉCIALE

Miriam Baghdassarian, interprète de Sadia dans la nouvelle production de Starmania

La chanteuse de 23 ans a consacré beaucoup de temps à étudier son personnage. « Avec Thomas Jolly, on a beaucoup discuté. Sadia est un homme qui rêve d’être une femme. C’est une réalité que l’on retrouve beaucoup de nos jours. Je suis contente de créer un lien entre la jeune génération et cette œuvre. »

Un secret bien gardé

Dans le plus grand secret, les artistes de Starmania ont commencé à travailler en juillet dernier à la Seine Musicale. « Les premières semaines ont été comme une école, dit Miriam Baghdassarian. On passait trois ou quatre heures par jour à parler de l’œuvre et à analyser chacune des chansons. »

Le metteur en scène Thomas Jolly a abordé cette œuvre comme il le fait avec les grands auteurs qu’il met en scène. Plus tôt cette semaine, je l’ai entendu sur France Inter affirmer que cette œuvre de Plamondon a quelque chose de shakespearien. « Plamondon a la faculté de mettre des mots très simples sur des émotions complexes. »

PHOTO ANTHONY DORFMANN, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE STARMANIA

La nouvelle production de Starmania

Puis, la troupe s’est déplacée à Nice où le spectacle a été répété et présenté trois fois devant un public au début octobre. Après des années d’attente et des mois de travail, la tension est enfin tombée. « Le soir de la première, je me suis littéralement écroulé dans les coulisses après avoir chanté Le blues du businessman, raconte David Latulippe. Je regardais les numéros de mes camarades et je pleurais. » Il faut dire que depuis le premier soir, le Québécois déclenche des ovations monstres après sa performance.

Il ne fait aucun doute que les jeunes artistes de cette nouvelle mouture vivent une aventure hors du commun. « C’est une nouvelle étape dans ma carrière, reconnaît David Latulippe. Cela dit, je n’ai pas d’attentes. Pour le moment, je trippe et je chante. »

Miriam Baghdassarian est consciente que l’aventure de Starmania pourrait durer très longtemps. « Je me concentre sur le travail à faire. Je n’ai pas vraiment eu le temps de penser à la gloire qu’il pourrait y avoir au bout du compte. Si cela arrive, je serai accueillante et bienveillante. »

Consultez le site du spectacle

Starmania au Québec

Cette nouvelle production de Starmania sera offerte au public montréalais à l’automne 2023, m’a confirmé Luc Plamondon. « Nous allons occuper la salle Wilfrid-Pelletier pendant un mois », a-t-il dit sans dissimuler sa joie d’amener ce spectacle grandiose au Québec. Starmania est à l’affiche jusqu’au 29 janvier à la Seine Musicale. Après quoi, la troupe partira sur les routes de France pour y présenter le spectacle dans une quinzaine de salles de grande taille.

Les productions de Starmania

  • 1979 – Palais des Congrès (Paris) : mise en scène de Tom O’Hargan, avec Claude Dubois, Diane Dufresne, Nanette Workman, France Gall, Daniel Balavoine, etc.
  • 1980 – Station C (Montréal) et en tournée au Québec : mise en scène d’Olivier Reichenbach, avec Robert Leroux, Louise Forestier, France Castel, Martine St-Clair, Gilles Valiquette, etc.
  • 1986 – Festival de Lanaudière et Théâtre Maisonneuve : mise en scène de Claude Girard, avec Marc Gabriel, Marie Carmen, Marie Denise Pelletier, Anne Bisson, Jean Leloup, etc.
  • 1988 – Théâtre de Paris et Théâtre Marigny (Paris) : mise en scène de Luc Plamondon et Michel Berger, avec Maurane, Martine St-Clair, Norman Groulx, Richard Groulx, etc.
  • 1993-2001 – Théâtre Mogador (Paris) et en tournée dans le monde : mise en scène de Lewis Furey, avec Luce Dufault, Isabelle Boulay, Bruno Pelletier, Marie Carmen, Patsy Gallant, etc.
  • 1993-2001 – Théâtre Mogador (Paris) et en tournée dans le monde : mise en scène de Lewis Furey, avec Luce Dufault, Isabelle Boulay, Bruno Pelletier, Marie Carmen, Patsy Gallant, etc.
  • Il y a eu plusieurs autres productions de Starmania dans le monde (Grande-Bretagne, Allemagne, etc.). Une version opéra, mise en scène par Michel Lemieux et Victor Pilon, a été présentée à Montréal, Québec, Ottawa, Paris et Séoul entre 2004 et 2009.