Il n’y a pratiquement pas eu de publicité ou d’intense campagne de promotion autour de la minisérie Motel Paradis. Les six épisodes sortent jeudi sur le Club illico de Vidéotron avec (quasiment) une affichette « ne pas déranger », comme si le diffuseur croyait peu ou pas à ses chances de succès.

Pourtant, la série porte la griffe de la talentueuse réalisatrice Sophie Deraspe (Bête noire, Antigone) et rassemble une brochette d’acteurs doués, dont Nahéma Ricci, Stéphane Gagnon, Anick Lemay, Gildor Roy et Martin Dubreuil.

Alors, pourquoi personne ne s’inscrit à la réception de ce Motel Paradis ? D’abord, parce que le résumé vend très mal ce projet singulier : « une enquête policière doublée d’une investigation de l’âme ». Rien de moins. Ça se glisse difficilement à Salut Bonjour entre une recette de nouilles carbonara et une entrevue avec Dominic Paquet. Mets-y le paquet, Gino !

Aussi, parce que Motel Paradis s’avère une œuvre bizarre, pas dénuée de qualités, mais étrange quand même. Pour vous situer, Motel Paradis s’érige à l’intersection de Twin Peaks, Lac-Noir et un polar d’Andrée A. Michaud (Proies, Bondrée).

Ça démarre avec un grave accident de la route, qui tue quasiment la barmaid Jen Paradis (Nahéma Ricci). Pendant son bref séjour dans le célèbre tunnel menant vers la lumière, la fameuse expérience de mort imminente, Jen revoit sa petite sœur Noémie, qui s’est donné la mort il y a trois ans.

À son réveil, Jen n’en démord pas : sa sœur Noémie (Vivi-Anne Riel), 14 ans, a été assassinée. Il ne s’agit pas d’un suicide, mais bien d’un meurtre. Jen l’a vu dans ses rêves, elle l’a senti dans ses tripes et elle retourne dans son village natal, Val-Paradis, déterminée à rouvrir l’enquête et à retrouver le corps de sa sœur Noémie. Juste ça.

Évidemment, on n’arrête pas un suspect avec des intuitions ou des hallucinations. Jen convainc donc l’enquêteur retraité Alain Renaud (Stéphane Gagnon) de l’épauler dans sa mission. Sans trop de tordage de bras, le détective Renaud, qui était responsable du dossier à l’époque, accepte. Il se pousse à Val-Paradis alors que son couple s’écroule et que sa réputation ne se remet pas d’une affaire d’inconduite.

L’arrivée de ce duo dépareillé à Val-Paradis, sorte de caricature d’un trou régional, ne fera pas l’affaire des habitants, qui craignent que la vérité éclate (enfin).

Jen Paradis et Alain Renaud se posent au motel de la famille Paradis, d’où le titre de la minisérie, que la mère dépressive Brigitte (Isabelle Guérard) a laissé à l’abandon. Une vraie dompe, ce motel, n’ayons pas peur des mots. C’est crade pas à peu près.

L’investigation de Jen et Alain oscille entre la série policière pure et un thriller paranormal. Ces deux genres s’arriment de façon boiteuse, hélas. Le personnage du flic Alain nous incite à chercher frénétiquement le coupable, tandis que l’endeuillée Jen nous ramène à ses cauchemars prémonitoires et ses « états de conscience ». Un tire, l’autre pousse. Et ça n’avance pas vite, vite.

Toutefois, le punch à la fin du deuxième épisode, qui se déroule dans la chambre 35 du motel, m’a solidement donné le goût de voir la suite.

Évidemment, qui dit série à la Twin Peaks dit galerie de personnages pittoresques, à commencer par la fauconnière et trafiquante Polo (Larissa Corriveau), la mairesse et agente immobilière exubérante Julie (Dominique Quesnel), le policier local Patrick « Pat Patrouille » Nelson (Martin Dubreuil), l’enfant autiste Ulysse (Lucas Ditecco) qui sait des choses comme Aurise dans Montréal P.Q., la sorcière Sabrina (Elisapie Isaac) et le musicien libidineux (Éric Robidoux).

Ça fait beaucoup de personnalités flamboyantes, extragratinées, à gérer sur un si petit territoire. Et tous ces gens aux caractères bien trempés se croisent au dépanneur du village ou au bar local, point de chute de tous les ragots.

Truc pour se démêler dans les nombreux sauts dans le temps de Motel Paradis ? En 2019, l’héroïne Jen n’a pas de tatouage, tandis qu’au présent, en 2022, elle en arbore un énorme qui lui mange la moitié du cou.

Cette histoire, cosignée par Sophie Deraspe et Stéphane Hogue (Indéfendable), s’écartèle entre le fantastique et la pure procédure et ne plaît, au final, ni aux amateurs du premier genre ni aux fans du deuxième. Comme si les épisodes restaient assis entre deux chaises sans en choisir une.

Quant à la musique, seigneur, elle joue en permanence, dans presque toutes les scènes. C’est dérangeant, baissez-la.

Alors, Motel Paradis vaut-il le prix d’une réservation ? Non si vous raffolez des thrillers policiers conventionnels de type « noir scandinave ». Oui si vous aimez la télé, comment dire, particulière et ésotérique.