J’ai retrouvé les musiciens de l’OSM et leur chef Rafael Payare dimanche à Vienne. Ceux-ci étaient encore portés par le triomphe connu la veille à Budapest (voir détails plus bas). Plusieurs musiciens et membres de l’équipe m’ont décrit leur émotion encore fraîche.

Allaient-ils répéter cet exploit devant les mélomanes du Konzerthaus, considérés parmi les plus connaisseurs en Europe ? Je m’empresse de vous dire que la réponse est oui. Quelle incroyable soirée ce fut !

Ce moment était d’autant plus émouvant que l’Orchestre symphonique de Montréal et Rafael Payare ont charmé les Viennois grâce au savoir-faire montréalais. Les politiciens ne peuvent pas être partout à la fois, mais certains auraient dû être à Vienne dimanche soir.

Déjà, avec l’interprétation d’Elysium, du compositeur Samy Moussa, le public a librement exprimé sa ferveur devant cette œuvre au pouvoir évocateur certain. Le compositeur montréalais, visiblement ému, a été chaudement applaudi.

Puis, le pianiste Bruce Liu a littéralement mis la salle dans sa poche avec la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov. La nouvelle étoile du piano (il faut voir les admirateurs viennois lui réclamer des autographes dans la rue) est venue saluer le public pas moins de sept fois et offrir deux rappels.

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

L’OSM sur la scène du Konzerthaus de Vienne

Durant l’entracte, j’ai demandé à Matthias Naske, PDG et directeur artistique du Konzerthaus de Vienne, si cela était courant pour un soliste et un orchestre chez lui. « Disons que c’est un accueil très chaleureux », m’a-t-il dit en souriant.

Puis, la Symphonie no 10 en mi mineur de Chostakovitch, offerte en seconde partie, a littéralement mis K.-O. les spectateurs. Quel immense voyage nous ont offert les musiciens de l’OSM contre lesquels les effets du décalage horaire semblaient inexistants ! Une très longue ovation a suivi cette monumentale œuvre.

La venue de l’OSM à Vienne a été précédée de deux articles publiés dans les quotidiens Die Presse, qui a présenté Rafael Payare comme le « jeune et dynamique chef de Montréal », et Der Standard, qui l’a qualifié « d’étoile montante ».

M’est avis que ces étiquettes seront remplacées par d’autres lors de la prochaine visite de Payare et l’OSM. L’étoile est déjà haute dans le firmament.

L’incroyable tourbillon de Bruce Liu

À 25 ans, le pianiste Bruce Xiaoyu Liu est sans doute la vedette montréalaise la plus méconnue du grand public. Et c’est bien dommage. À la manière des rock stars, son compte Instagram compte des dizaines de milliers d’abonnés. « Je ne sais pas pourquoi on me suit. Je pense que mon train de vie plaît aux gens », m’a-t-il confié au cours d’un entretien qui a précédé le concert de Vienne.

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

Bruce Liu devant le Konzerthaus de Vienne

Le « train de vie » auquel le jeune musicien de 25 ans fait allusion donne littéralement le vertige. Le 20 octobre 2021, jour où ce prodige a remporté le prestigieux Concours international de piano Chopin, sa vie a littéralement basculé. Les demandes se sont multipliées jusqu’à remplir un calendrier qui s’étend maintenant jusqu’en 2025. « Il m’arrive de me réveiller dans une chambre d’hôtel et de me demander dans quelle ville je suis. J’avoue que tout cela va très vite. »

Bruce Liu est le premier à le reconnaître, outre la renommée et la curiosité des publics et des directeurs de salles de concert, ce concours lui a offert une plus grande liberté. « Je peux maintenant mieux choisir les œuvres que j’ai envie de faire et identifier plus clairement ce que je veux développer en fonction de ma personnalité. Je me sens comme un oiseau qui peut voler. »

Notre conversation a glissé sur la relation qu’il développe avec les nombreux chefs et orchestres qu’il croise sur sa route depuis quelques mois. J’étais curieux de savoir quel est le « pouvoir » du soliste dans la manière de servir l’œuvre. Cette question l’a vivement interpellé.

« Je pense qu’un musicien inspiré doit pouvoir offrir une performance différente à chaque concert. Sinon, il est une machine. Chaque soir, on est devant un nouvel orchestre et un public différent. L’acoustique est différente et l’émotion aussi. Si je viens d’avoir un bon repas ou que je viens de me disputer avec ma blonde, tout cela va avoir un impact sur mon jeu. C’est ça qui rend un concert devant public absolument unique. »

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

Le pianiste Bruce Liu lors du concert de l’OSM de dimanche

Né à Paris de parents d’origine chinoise, Bruce Liu est arrivé à Montréal à l’âge de 6 ans. Dans la métropole, le jeune homme, qui s’exprime aussi bien en français, en anglais qu’en mandarin, a nourri diverses passions et s’est adonné à plusieurs passe-temps et sports, dont la natation. « Contrairement à ce que l’on pense, j’ai commencé le piano assez tard, vers 9 ans, sur un clavier électrique. »

Les quatre heures qu’il consacrait quotidiennement au piano alors qu’il était jeune impressionnaient son entourage. Pas lui. « Pour moi, c’était facile. Et puis, il faut le dire, j’avais moins de cours académiques », dit-il en riant.

Très tôt, Bruce Liu a participé à des concours. Et il les a très souvent remportés. Le Concours de piano Chopin fut en quelque sorte son Everest. « Je me suis dit qu’après ça, c’était fini, les concours. Cela dit, les concours donnent envie de persévérer, mais en plus le travail ne fait que commencer. »

Budapest a craqué pour l’OSM

L’OSM a connu son premier triomphe de la tournée samedi soir au Müpa Budapest. Après avoir offert le Concerto pour piano en sol majeur de Ravel, Vikingur Ólafsson a dû assouvir le public avec un rappel. Puis, après la Symphonie no 10 en mi mineur de Chostakovitch, Rafael Payare et les musiciens ont été ovationnés pendant une dizaine de minutes.

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

L’OSM au Müpa Budapest, samedi soir

Comme ce concert, le premier pour l’OSM dans cette ville, était présenté dans le cadre du Festival Liszt de Budapest, l’OSM a présenté en début de programme Les préludes, le troisième poème symphonique du compositeur hongrois.

La première soirée de cette tournée, qui a eu lieu à Zagreb, a elle aussi été marquée par la ferveur du public. « Normalement, ça commence doucement, m’a confié Madeleine Careau, cheffe de la direction de l’OSM. Mais là, disons que ça a décollé fort. »

Carnet de tournée

La COVID-19 est bien évidemment une source d’inquiétude durant cette tournée. Tout le monde redoute une éclosion. Avant le départ de Montréal, deux violonistes ont dû déclarer forfait. Des musiciens qui ont récemment pris leur retraite ont été appelés en renfort. Même en musique classique, la devise « the show must go on » s’applique.

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Outre le chef, les 97 musiciens et quelques membres du personnel qui voient au bon fonctionnement de la tournée, un médecin est du voyage. La présence de Phillipe Doré est d’autant plus appréciée qu’il est musicien et mélomane. Non seulement il peut diagnostiquer une intoxication alimentaire en quelques minutes, mais il sait qui a composé Parsifal.

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Ça ne faisait pas une heure que les musiciens de l’OSM étaient installés à l’hôtel de Vienne où nous logeons que de la fenêtre de ma chambre, j’entendais le son de quelques violons et flûtes. Il n’y a pas à dire, la vie de musicien est une véritable vocation.

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Nous demeurons à Vienne, car l’OSM offre un second concert lundi soir avec un programme complètement différent. J’en profite pour rencontrer Rafael Payare. À suivre !