J’avais terriblement hâte de mordre dans Interview with the Vampire, le remake télé du remake cinématographique de l’œuvre sanguinolente de la romancière Anne Rice.

Le premier épisode, lent et visqueux, plantait des choses hyper prometteuses et les critiques américains buvaient cette proposition audacieuse à grandes lampées, lui décernant des notes de « sang pour sang » ou, son équivalent en lettres, de A positif.

Me voilà donc rendu au deuxième épisode sur Amazon Prime Video et, tel Dracula sous le soleil du midi, il se cachait derrière un deuxième mur payant, celui de la chaîne câblée AMC. Un autre palier d’imposition, qui suce notre argent à petites doses mensuelles pour drainer nos finances sur une année complète.

Au diable la dépense et vive l’hémorragie budgétaire : j’ai ajouté AMC+ à mon forfait d’Apple TV+ pour profiter du mois gratuit. Tadam ! Quand l’essai sans frais expirera, je résilierai mon abonnement à AMC+ pour éviter l’ajout du 8,99 $ mensuel à ma carte de crédit.

Mais je vous le concède, c’est devenu compliqué et coûteux de s’abreuver à la meilleure télé sur le marché. Il faut constamment revisiter notre technique du calendrier pour éviter les mauvaises surprises (comprendre : les factures) non sollicitées.

Pour Interview with the Vampire, cet investissement vous rendra accro ou à crocs, LOL, aux aventures actualisées de Louis de Pointe du Lac et de Lestat de Lioncourt, les deux vampires ambigus campés par Tom Cruise et Brad Pitt dans le film de Neil Jordan, sorti en 1994.

Cette histoire archiconnue reçoit une transfusion de sang neuf qui lui améliore grandement le teint (blafard, peut-il en être autrement pour des créatures qui dorment dans des cercueils ?).

Louis de Pointe du Lac est un homme noir de La Nouvelle-Orléans, qui gère des bordels et des barbottes dans le « Red Light » pour financer le train de vie princier de sa famille. Louis lutte avec sa propre sexualité et subit du racisme, malgré sa position privilégiée dans un univers libertin et ouvert. Ne capotez pas ici, il ne s’agit pas d’une caricature woke d’une romance gothique, mais bien d’une relecture moderne d’un récit classique.

Ce que le film de 1994 suggérait, la série de 2022 l’embrasse totalement : Louis de Pointe du Lac tombe amoureux de Lestat de Lioncourt, un vampire français cultivé, cruel et carnassier. À la Pygmalion, Louis apprend tout de Lestat : l’art de s’habiller, la chasse à l’humain, les bonnes manières à l’opéra, la lecture dans les pensées, le contrôle des pulsions tout comme l’abandon, la sensualité, le raffinement et même le polyamour.

Était-ce une relation égalitaire, toxique, consensuelle ou déséquilibrée entre les deux amants ? À l’image de leurs yeux vitreux, un voile teinte les perceptions des protagonistes aux ongles griffus.

L’acteur qui incarne Louis de Pointe du Lac, Jacob Anderson, alias Grey Worm dans Game of Thrones, alterne ainsi entre un homme rustre et un gentleman sophistiqué, tout dépendant s’il est au début ou à la fin de son apprentissage du vampirisme. C’est exécuté avec beaucoup de finesse.

Cette télésérie de sept épisodes (en anglais uniquement) exploite avec acuité les déchirements de Louis de Pointe du Lac. Non seulement Louis est noir et queer en 1910, époque où l’intrigue démarre, mais il devient un vampire, un autre sous-groupe victime de discrimination. Pourrait-il vivre davantage en marge de la société ?

PHOTO ALFONSO BRESCIANI, ASSOCIATED PRESS

Sam Reid interprète Lestat de Lioncourt

Interview with the Vampire oscille ainsi entre le jazz des années 1910 à La Nouvelle-Orléans et 2022, où l’immortel Louis de Pointe du Lac raconte sa vie au journaliste Daniel Molloy, vieilli d’une quarantaine d’années par rapport à sa version dans les livres d’Anne Rice.

Encore ici, l’ajustement sert astucieusement l’intrigue. Jeune reporter inexpérimenté, Daniel Molloy a déjà interviewé Louis de Pointe du Lac en 1973, mais le résultat a été désastreux. Les cassettes de ces entretiens existent encore, mais ne reflètent pas l’évolution de l’intervieweur ni celle de l’interviewé. Donc, on recule le ruban et on reprend.

Lestat de Lioncourt, interprété par Sam Reid, demeure près de sa description dans l’œuvre d’Anne Rice. Blond, hédoniste, flamboyant, séducteur, magnétique et bisexuel, Lestat est censé être français. Je dis censé, parce que Lestat s’exprime dans notre langue dans les épisodes et c’est désastreux. En fait, Lestat parle français comme Emily dans Emily in Paris et on n’y croit pas une seule seconde. Tou es oune vampire, monne chéri ! C’est raté. Gênant, même. Surtout quand le personnage vient — en théorie – de la France.

Pour les fans de cette saga, sachez que l’enfant vampire Claudia, campée par Kirsten Dunst dans le long métrage, n’arrive qu’à la fin du troisième épisode. Elle a maintenant 14 ans.

Bien sûr, Interview with the Vampire dégouline de mélo, d’extravagance et de kitsch, mais dans une forme parfaitement assumée et réfléchie. Dans la même veine que True Blood (et de Maxwell House), c’est bon jusqu’à la dernière goutte.