Il y a des séries audacieuses et « fraîches » comme Chouchou à Noovo ou Avant le crash de Radio-Canada, et il y a des séries plus vieillottes dans leur fabrication et leur lenteur comme Anna et Arnaud à TVA.

Cette minisérie mélodramatique qui dérive du bouquin Anna et l’enfant-vieillard de Francine Ruel livre exactement ce à quoi le téléspectateur s’attend : des rivières de larmes, des couches de violoncelle, de guitare sèche et de piano solo, un récit déchirant, ainsi que des scènes urbaines pas toujours réussies, malheureusement.

Pour tout vous dire, je n’ai pas été tellement emballé par Anna et Arnaud, une minisérie de huit épisodes très (trop ?) conventionnelle et qui jongle avec plusieurs clichés. La façon dont les itinérants se parlent entre eux (man, as-tu de la roche ?), les graffitis dans le squat où les sans-abri dorment, le vieux sofa défoncé qui trône dans une ruelle digne d’un vidéoclip de hip-hop, la reconstitution esthétisée de cet univers méconnu sonne faux à l’écran, un peu comme la représentation des jeunes vingtenaires dans Chaos.

PHOTO FOURNIE PAR TVA

Scène tirée d'Anna et Arnaud

Au final, on croit plus ou moins au réalisme du quotidien dans la rue, mettons. Vous verrez le premier épisode d’Anna et Arnaud mardi à 20 h sur les ondes de TVA. Est-ce qu’il s’agit d’une mauvaise émission pour autant ? Non. Par contre, l’insistance de la réalisation sur la gravité des enjeux finit par agacer.

Ce n’était pas nécessaire de gratiner les épisodes d’Anna et Arnaud d’autant d’effets larmoyants. On le sait qu’une mère qui s’endort tous les soirs en se demandant si son fils vit encore, c’est épouvantable, c’est atroce. Juste l’évoquer, c’est suffisant. Pas besoin de rajouter des silences lourds et de la musique triste en arrière-plan.

C’est Guylaine Tremblay qui incarne l’alter ego de Francine Ruel, une talentueuse couturière et cheffe d’atelier du nom d’Anna. En 1990, Anna a failli perdre son fils unique, Arnaud (Nico Racicot, vu dans L’heure bleue), en l’accouchant. En 2010, quand Arnaud a 20 ans, Anna perd vraiment son enfant, avec qui elle avait tissé une belle complicité. Après une fusillade qui le laisse handicapé, Arnaud, qui rêvait de devenir guitariste, sombre dans l’héroïne et aboutit dans la rue, où il fait la manche au centre-ville de Montréal. Dans les dix dernières années, Anna n’a jamais perdu le contact avec Arnaud, malgré les longues périodes de silence qui lui ont fait craindre le pire. Vous devinez que la carrière et la vie intime d’Anna ont souffert de son état d’hypervigilance. Où dormira Arnaud ce soir ? A-t-il mangé à sa faim ? Qui veille sur lui ?

L’intrigue d’Anna et Arnaud se promène entre 2010 et 2021, et voici le truc capillaire pour ne pas se perdre dans les multiples sauts dans le temps. Dans les scènes de 2010, Guylaine Tremblay porte une perruque auburn avec une frange. En 2021, Guylaine Tremblay arbore des cheveux plus blonds, souvent attachés en couette.

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Guylaine Tremblay dans Anna et Arnaud

Même astuce capillaire pour l’acteur qui incarne son fils : en 2010, Nico Racicot est imberbe et ressemble à un jeune Beatle. En 2021, Nico Racicot a une barbe hirsute et des cheveux en bataille retenus par une tuque.

Anna et Arnaud est une télésérie qui prend son temps. Dans cette mer de productions ultra-caféinées, cette option séduira, par exemple, les fans des Moments parfaits. Vous vous assoyez devant la télé pour décompresser et brailler un solide coup en sachant que l’histoire qui défile sous vos yeux est inspirée de celle de Francine Ruel et de son fils Étienne Allard. À ce sujet, le vibrant témoignage de Francine Ruel à Tout le monde en parle en septembre 2019 avait été bouleversant.

Les épisodes d’Anna et Arnaud communiquent bien le désarroi d’une mère qui tente de faire le deuil d’un enfant vivant. Les scènes où Anna doit mettre ses limites avec Arnaud, qui ne voit en elle qu’un guichet automatique, broient le cœur. Et Guylaine Tremblay étant Guylaine Tremblay, l’émotion passe comme une balle.

L’aspect policier d’Anna et Arnaud pique également la curiosité. En 2010, Arnaud est victime d’un attentat, abattu en pleine rue. Mais était-ce une attaque gratuite, une erreur sur la personne ou un acte de vengeance orchestré par des gens qui lui voulaient du mal ?

Le personnage d’Arnaud, pas toujours juste, montre un visage honnête de l’itinérance. Arnaud n’est pas un homme violent, il est sociable et soigne sa dépendance à l’héroïne en suivant un traitement à la méthadone. Dans son sac à dos, Arnaud traîne toujours un kit de naloxone pour sauver des camarades en surdose d’opioïdes. Et quand un collègue sans-abri lui pique son sac, et qu’Arnaud ne remplace pas sa trousse de naloxone, on anticipe déjà la tragédie.

Bref, si vous aimez davantage la télé plus corsée et mieux torréfiée, passez votre tour. Si vous préférez la télé tisane, Anna et Arnaud vous servira des épisodes calmants et moins déstabilisants.