Est-ce que tes portes sont complètement fermées ? Genre, serais-tu prête à ouvrir tes portes à quelqu’un d’autre ?

Non, les célibataires de L’île de l’amour à TVA ne suivent pas un cours de courtier immobilier à Mascouche (allô, William !) pour préparer les visites libres du week-end.

Croyez-le ou non, nos gringos et gringas de Las Terrenas parlent en métaphores de type Rona-moureuses. Si, si. C’est un code. Et ça ne prend pas un doctorat en sémantique pour décoder ce langage peu secret, lubrifié par la Belgian Moon LightSky et les cafés glacés de Bianca.

Des portes fermées signifient que la personne reste dans son lit et ne se risque pas à zyeuter par-dessus les lunettes fumées d’un autre insulaire. À l’opposé, des portes ouvertes représentent le parcours de William, le spécialiste de la porte entrebâillée, jamais complètement « clenchée », qui a fréquenté avec passion Amanda, Roxanne et Audrey en moins d’un cycle lunaire.

La semaine dernière, nos colocataires dominicains ont gradué à l’école supérieure de la téléréalité, celle de l’analogie littéraire.

Voici Jacob, gars de la construction, à propos de sa douloureuse rupture avec Bianca, dite Bibi, qu’il fréquentait depuis, quoi, deux grosses semaines : « on a tourné la page au lieu de fermer le livre ».

La version de Bianca du même évènement traumatisant emprunte aussi aux plus grands écrivains, mais avec un accent franco-ontarien : « on a fermé nos chapitres ». Simple, direct, punché. C’était quasiment un remake d’Apostrophes dans la boîte d’un pick-up garé sous un palmier.

Cette deuxième saison de L’île de l’amour, qui se rapproche de la trame narrative d’Occupation double, s’avère plus divertissante que la première avec ses triangles amoureux et la division de la villa en deux clans hostiles. Et les fameuses portes de la maison battront comme celles d’un saloon cette semaine avec l’arrivée d’une fournée fraîche de cœurs à briser/prendre/manipuler.

Le narrateur de L’île de l’amour, Mehdi Bousaidan, sort d’excellents gags et les mitraille à un rythme moins agressant qu’au début.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

L’animatrice Naadei Lyonnais

Par contre, il y a quelque chose qui cloche avec l’animatrice Naadei Lyonnais, peu présente dans les épisodes. Quand Naadei se pointe pour les cérémonies de la flamme, toujours dans une séquence au ralenti, le courant ne passe pas avec les participants aux visages luisants. D’ailleurs, le veston en simili-tweed de Rubie, à 35 degrés humides, ce fut le test ultime pour la lotion matifiante.

L’empathie et l’intérêt de Naadei envers l’émission ne paraissent pas sincères. C’était flagrant jeudi soir, quand elle a prononcé la phrase la plus cliché du monde avant une élimination : « une des relations amoureuses les plus importantes ici, c’est celle que vous développez avec vous-même ». La psychopop à deux pesos, c’est non. Surtout dans cet environnement artificiel éclairé au néon, qui favorise les rapprochements en formule express ou mains libres.

Au rayon du français, les perles pêchées par les concurrents forment un collier qu’ils arborent fièrement sur le bord de la piscine. Pour Samuel, c’est comme la « petite goutte qui a fait dépasser le vase ». Il y a également Audrey qui se laisse « surprendre à son propre jeu ».

Sans oublier cette situation ambiguë qui tracote Bianca. Tracasser, chicoter, ça donne tracoter quand on parle en lettres attachées.

Comme Éloïse avec son Roku à Occupation double : Chez nous, trois joueurs de L’île de l’amour (Mathieu, Jacob et Kharl) auraient accédé à internet pour jaser avec leurs proches.

Le perdant de cette filouterie ? Le grand Kharl. La production concoctait le retour-surprise de sa douce Amélie, que le public a évincée il y a deux semaines. Mais les incartades numériques de Kharl ont torpillé ce projet romantique. Le prochain textoooo ! de Kharl devrait être un aller simple pour Montréal. Adios, amigo. Avec Guy Jodoin déjà en ondes, pas de place pour deux tricheurs à TVA.

L’escalier, pas celui de Paul Piché

Nous avons été des millions à être captivés, en 2018, par l’extraordinaire minisérie de « crime réel » The Staircase (Soupçons en version française sur Netflix). Quelle histoire incroyable – et 100 % vraie – que celle du romancier et chroniqueur Michael Peterson, qui aurait (ou pas) tué sa femme Kathleen au pied de l’escalier de leur manoir de Durham, en Caroline du Sud, en décembre 2001.

The Staircase suivait la minutieuse préparation du procès de Michael Peterson, truffé de rebondissements et de squelettes qui sortaient du placard. C’était comme regarder un thriller judiciaire hollywoodien en sachant que tous les protagonistes n’étaient pas des acteurs.

Maintenant, est-ce que ça vaut la peine de visionner la minisérie de fiction The Staircase de HBO, qui dérive de ce bijou de « true crime » et qui est offerte sur la plateforme Crave ? Oui, absolument. D’abord, j’avais pratiquement oublié tous les revirements (ne googlez rien pour conserver le plaisir intact, de grâce).

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

The Staircase

Ensuite, la distribution est juste époustouflante : Colin Firth, Toni Collette, Juliette Binoche, Parker Posey, Rosemarie DeWitt et Sophie Turner, alias Sansa Stark dans Game of Thrones.

L’histoire abracadabrante de cette famille bourgeoise déchirée par une mort suspecte emprunte une direction inattendue grâce au personnage campé par Juliette Binoche, dont je ne peux révéler le rôle exact sans divulgâcher l’intrigue.

La minisérie The Staircase de HBO imbrique dans ses huit épisodes d’une heure la fabrication de la série documentaire d’origine par le cinéaste Jean-Xavier de Lestrade. C’est très méta, tout ça.

Et pourquoi une équipe française a-t-elle investi autant d’années dans le cas nébuleux de Michael Peterson, un écrivain relativement inconnu ? Voilà une marche de l’escalier qui nous amène à un étage encore inexploré.