Vous aimez la série Succession, le film The Big Short et Black Mirror ? Préparez alors l’enregistrement de la minisérie Manuel de la vie sauvage, adaptation du populaire roman de Jean-Philippe Baril Guérard.

C’est excellent et pas du tout hermétique. Certaines de ces téléséries technofinancières comme Billions ou Industry nous gazent avec leur jargon technique incompréhensible. Mais pas Manuel de la vie sauvage. Il s’agit avant tout d’une histoire d’ambition et de pouvoir campée dans l’univers des entreprises en démarrage, les fameuses start-up.

Oui, cette œuvre télévisuelle parle de robots conversationnels et de capital d’investissement, mais elle creuse davantage dans le deuil, les relations familiales compliquées, le désir de réussite et la cruauté du monde techno. Mettons que ça change des séries de (insérez ici un corps de métier tel policier, avocat ou médecin).

Les détails techniques, avant de poursuivre. La chaîne Séries Plus relaiera le premier épisode de Manuel de la vie sauvage le mercredi 16 mars à 20 h. Impossible, donc, de la dévorer en rafale. Faudra aiguiser notre patience de façon hebdomadaire.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR CORUS

Louis Morissette interprète le rôle d’un investisseur qui permettra à la start-up Huldu de décoller.

Manuel de la vie sauvage raconte l’ascension du millénarial Kevin Bédard (Antoine Pilon), alias le whiz kid de Thetford Mines. Kevin a grandi dans une famille de parvenus. Son papa, Denis (Gildor Roy), peu instruit, rustre, mais doué en affaires, gère une méga-entreprise de construction, tandis que sa maman, Martine (Isabelle Vincent), qui prend des photos avec son iPad, pleure encore la mort de son fils aîné, Dave.

Kevin déteste autant son prénom (Kévunnne !) que cet univers de nouveau riche clinquant. Ce que Kevin désire le plus ? Réussir et s’accomplir sans aucune aide de son papa. Il y arrive et il nous livre, en s’adressant directement à la caméra, les secrets de son succès sous forme d’exposé de type TED Talk. Pensez à Kendall (Jeremy Strong) de Succession quand il s’acharne à « perturber » l’écosystème des médias.

Voyez la bande-annonce

Dans la bouche de Kevin, ça sonne comme : « Les plus grandes inventions sont nées d’un accident. » Ou encore : « Il n’y a rien de plus puissant qu’une idée. »

Le premier épisode de Manuel de la vie sauvage renferme une séquence formidable où les amis de Kevin recréent – en deux versions – la célèbre vidéo virale de « bonne fête, Kevin ! ». Je l’ai regardée au moins quatre fois sans me tanner. Quel beau flash, qui reprend tous les éléments de ce clip artisanal intitulé « Un mot pour Kevin », qui a été vu 1,9 million de fois sur YouTube.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR CORUS

Antoine Pilon et Virginie Ranger-Beauregard dans les rôles de Kevin et Ève

Avec son ancien coloc Laurent (Rodley Pitt) et l’ex-copine de celui-ci, Ève (Virginie Ranger-Beauregard), Kevin fonde la société Huldu, qui développe une application permettant à ses utilisateurs de converser avec des morts. Oui, oui. De quelle façon ? En amalgamant toutes les traces numériques laissées par la personne disparue (statuts Facebook, messages textes ou commentaires sur Instagram).

Le prototype, élaboré avec une comédienne populaire (Catherine Brunet), est stupéfiant. Un ange investisseur (Louis Morissette) y injectera beaucoup de fric et vous devinez ici que ce projet prometteur traversera d’immenses zones de turbulences.

Notamment sur le plan éthique. Peut-on commercialiser ainsi la mémoire virtuelle de quelqu’un sans son autorisation ? Et l’application de Huldu aidera-t-elle vraiment des gens à adoucir leur deuil ou ne servira-t-elle qu’à récolter un tas d’informations aussi intimes que précieuses ?

Les deux épisodes (sur un total de six) que j’ai vus mercredi contiennent de jolies trouvailles de réalisation. Qu’il s’agisse de « mèmes », de pastiches de jeux vidéo ou d’animation en 2D, ces éléments insufflent beaucoup de rythme à la série, sans que ça fasse trop gadget.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L’auteur de Manuel de la vie sauvage, Jean-Philippe Baril Guérard, et le réalisateur de la série, Christian Laurence

Dans le rôle du PDG, ni messie ni geek asocial, Antoine Pilon dose adéquatement l’arrogance et l’humour grinçant pour que l’on s’attache à son personnage de patron arriviste, bien nuancé. Sa partenaire Virginie Ranger-Beauregard brille en cheffe des opérations, hardie et prête à tout pour que Huldu décolle.

La minisérie Manuel de la vie sauvage a été coscénarisée par l’auteur Jean-Philippe Baril Guérard et le réalisateur Christian Laurence (5e rang, La dérape). Débouchez une bouteille de vin orange grec, sortez le plateau de charcuteries, allez coucher le petit Jayden et bon visionnement, la gang.

Le lien avec Jean-Marc Vallée

De nombreux lecteurs n’ont pas compris pourquoi la série Une autre histoire de Radio-Canada a inséré une vignette souhaitant « bon voyage » à Jean-Marc Vallée au début du générique du dernier épisode, qui a été diffusé lundi soir. Est-ce que le cinéaste québécois est mort d’alzheimer précoce sans qu’on le sache ? avez-vous demandé.

Pas du tout. Voici l’explication, toute simple. Jean-Marc Vallée, qui aurait fêté ses 59 ans mercredi, a longtemps été en couple avec la scénariste d’Une autre histoire, Chantal Cadieux. Ils ont eu deux garçons, Alex et Émile, aujourd’hui d’âge adulte. Émile Vallée a fait le montage vidéo de l’épisode d’Une autre histoire de lundi et son frère Alex Vallée y incarne Jérôme, le conjoint douchebag devenu sympathique de Naëlle (Cynthia Trudel).

Donc, oui, on peut dire qu’Une autre histoire est une histoire de famille pour les Cadieux-Vallée. Vous savez maintenant tout. Jean-Marc Vallée aurait succombé à un arrêt cardiorespiratoire le jour de Noël 2021.