TVA ne se privera certainement pas d’une deuxième saison de sa comédie satirique Le bonheur, qui amène 1 589 000 téléspectateurs dans sa fermette-cuvette de Saint-Bernard-du-Lac, les mercredis à 21 h 30.

C’est énorme comme succès, vraiment. Ça caracole presque autant que District 31 à Radio-Canada des mêmes producteurs Fabienne Larouche et Michel Trudeau de chez Aetios. Le renouvellement du populaire Bonheur ne tardera pas, me dit-on.

Le niveau de drôlerie du Bonheur varie beaucoup d’un épisode à l’autre. Vrai. Mais dans notre univers médiatique ultra frileux, qui tente de juguler la moindre controverse à sa source, les deux auteurs François Avard et Daniel Gagnon pulvérisent l’adage voulant qu’on ne puisse « plus rien dire » à la télé. Uniquement pour ça, c’est réussi.

Et les deux scénaristes se gâtent en répliques baveuses, trempées dans un cynisme acide.

Le cinquième épisode du Bonheur, qui portait sur les travailleurs agricoles étrangers, renfermait des perles de critique sociale grinçante. Ce fut le meilleur, jusqu’à présent (avec le premier).

Il fallait voir le maire (Jacques Girard) de la municipalité se féliciter de l’arrivée de cette main-d’œuvre bon marché, qu’il vendait ensuite comme du bétail à l’encan. Des travailleurs mexicains du Guatemala ? J’en veux quatre propres et six honnêtes !

« Nos amis guatémaltèques nous font l’honneur de venir récolter ce qu’ils sont venus semer au printemps », s’enthousiasmait le maire pendant que la foule clairsemée se déhanchait sur Guantanamera.

Évidemment, il ne faut pas lire les textes du Bonheur au premier degré. François Avard et Daniel Gagnon écorchent ici les employeurs de ces ouvriers de la terre et tous ceux qui pensent leur rendre un énorme service en les exploitant.

Le sixième épisode de la comédie, centré sur l’influenceuse Naomie Dupré-Choquette (Léa Girard Nadeau), a pris une tournure inattendue. Non, la jeune créatrice de contenus n’a pas été ridiculisée pendant 30 minutes, même qu’elle a servi une belle leçon de vie à son copain psychologue douchebag Stéphane (Patrice Dubois). Les scénaristes se servent souvent de ce personnage du psy colon, mais lucide, pour passer des messages sur la thérapie.

« Je suis psychologue, je suis très bien placé pour savoir qu’on ne peut pas vraiment changer », a balancé Stéphane à son meilleur ami François (Michel Charette) entre deux gorgées de scotch.

N’importe quel cave peut devenir psychologue, a poursuivi notre bon psy, plein aux as. « Je gagne ma vie en fermant ma gueule alors qu’il y a tellement de monde qui l’ouvre pour rien. Ce que le monde veut entendre, c’est du monde qui les écoute », a remarqué Stéphane, dans un texte 100 % avardien, percutant, moyennement subtil, avec un gros fond de vérité.

Le bonheur tire sur des cibles hyper variées comme les médias, la bureaucratie gouvernementale kafkaïenne, le système d’éducation pourri, l’hypersensibilité des jeunes, la fermeture d’esprit des vieux, tout le monde y goûte, à gauche, à droite, au centre.

Cette réplique, mise dans la bouche d’un ancien prof d’éducation physique très blasé, encapsule parfaitement l’esprit irrévérencieux de cette comédie qui dit des choses qui ne se disent pas : « Cours, maudit fainéant ! Je me suis fait dire de ne plus traiter les élèves de tapettes. Ç’a l’air que ça ne se dit plus. Cours, gros christie d’obèse », a alors beuglé le prof autoritaire, peu en phase avec son époque, mettons.

Les deux derniers épisodes, qui ont versé dans le complotisme et les phénomènes paranormaux, ont été faibles. Par contre, ils ont ramené la formidable agente immobilière Karoll-Ann Lapoynte-St-Jacques (Monika Pilon), qui a donné une leçon éclair d’écologie.

« L’environnement, c’est une mode, ça va passer. Ça excite les enfants qui veulent nous faire la morale. Mais quand ils seront pognés avec des vraies contraintes d’adultes, ils vont s’en foutre comme tout le monde », a philosophé la belle Karoll-Ann.

Dans ce dialogue teinté de mauvaise foi, on entendait le François Avard qui s’inscrit à contre-courant du discours dominant. C’est là qu’il excelle. Non pas dans les gags prévisibles de style « arpents verts ».

Plusieurs éléments récurrents comiques pimentent les demi-heures du Bonheur, dont l’humoriste vulgaire (voix de Mélanie Ghanimé) qui ne parle que de son vagin et de sa « snatch », au grand plaisir d’Étienne (Sam-Éloi Girard). Il y a aussi le pauvre prof Daniel (François Chénier), forcé de se déguiser pour enseigner l’histoire de façon moins traumatisante aux jeunes. Son clown Rigolocauste, qui dédramatisait la Shoah, a été hilarant.

Mercredi soir, la fermette de François et Mélanie (Sandrine Bisson) accueillera le tournage d’une publicité de voiture électrique. Il paraît que le milieu de la télé y passe un mauvais quart d’heure. Très hâte de voir ça et d’y reconnaître des têtes couronnées de notre showbiz.

Fini les 1res fois

Véronique Cloutier s’enchaîne rarement à une émission de télé sur une longue période. L’animatrice a quitté Les enfants de la télé après quatre ans en 2014 et a annoncé mardi que la saison actuelle de 1res fois – la cinquième – sera la toute dernière.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

Véronique Cloutier à la barre de 1res fois

Vous verrez l’épisode ultime de 1res fois le jeudi 7 avril à 20 h, où Véronique Cloutier s’assoira sur le sofa de l’invitée, alors que son ami Joël Legendre prendra les commandes de l’émission. Cet épisode spécial a été enregistré vendredi dernier dans le studio 42. Cet hiver, 1res fois a rivé 832 000 téléphages devant leur écran.

Les fans de Véro ne s’ennuieront pas longtemps, car la reine de Radio-Canada a déjà choisi son prochain projet d’« émission de variétés d’envergure », qui décollera en janvier 2023. Est-ce un concept acheté à l’étranger ou une création de la boîte KOTV de Louis Morissette ? Il n’a pas été possible de le savoir. Tant que ce n’est pas le retour de Votre beau programme, ça devrait aller.