Adoration de l’enfant cosmique, massacre en Suisse, boucherie à Morin-Heights, transit vers l’étoile Sirius, gourou homéopathe à tendance maniaque, bambin exécuté avec un pieu dans le cœur, trafic d’armes international et sédation collective : j’ai été aspiré dans le vortex de la captivante série documentaire L’Ordre du Temple solaire, offerte sur la plateforme payante Vrai de Vidéotron.

Il s’agit d’une efficace production construite comme un thriller qui vous hantera longtemps. La vidéo maison à la fin du deuxième épisode glace le sang, vraiment. Jamais diffusée publiquement, cette bande montre plusieurs membres de la secte maudite qui trinquent et entonnent Chevaliers de la table ronde dans un chalet de Cheiry, en Suisse.

Ils sourient à la caméra et ne savent pas qu’ils mourront tous assassinés par balle, un sac à ordure attaché autour du cou. Disposés en cercle, leurs corps brûleront ensuite dans un incendie criminel.

C’est extrêmement troublant de voir bouger sous nos yeux et d'entendre les voix des victimes québécoises de ce groupe qui vénérait la lumière éternelle. Autour de la table des leaders Luc Jouret et Jo Di Mambro, il y a la journaliste Joce-Lyne Grand’Maison du Journal de Québec ainsi que le maire de Richelieu, Robert Ostiguy, et sa femme Françoise Asselin-Ostiguy. Leur fils Sylvain Ostiguy témoigne à la caméra et on comprend que, près de 30 ans plus tard, les souvenirs restent hyper douloureux.

La série L’Ordre du Temple solaire compte six épisodes et pas un de trop. Ça se regarde sans ciller. Cette histoire de blanchiment d’argent, d’endoctrinement et de meurtres déguisés en suicides collectifs a des ramifications quasi infinies.

Son plus gros défaut ? Québecor la cache sur une plateforme beaucoup moins connue que son Club illico, par exemple. Les clients du service Hélix de Vidéotron bénéficient d’un essai de trois mois gratuits à Vrai. Sinon, Vrai coûte 15 $ par mois, soit quasiment le même prix que Netflix. C’est cher. La chaîne spécialisée Moi et Cie proposera les six épisodes de L’Ordre du Temple solaire dans quelques mois, me dit-on.


PHOTO FOURNIE PAR VRAI

Quelques objets utilisés durant les cérémonies de l’OTS

De retour à l’Ordre du Temple solaire (OTS), les noms de Luc Jouret et Jo Di Mambro résonnent dans tous les épisodes. Charismatique et beau bonhomme, Jouret était le gourou, celui qui servait d’appât pour le recrutement des adeptes, tandis que Di Mambro tirait toutes les ficelles, notamment pour le commerce des armes.

On a tendance à l’oublier, mais l’OTS cachait bien plus que des cérémonies ésotériques avec capes blanches et épées pour préparer le grand départ vers la planète Sirius. C’était une organisation criminelle qui blanchissait de l’argent, qui escroquait des personnes vulnérables et qui avait même réussi à infiltrer Hydro-Québec.

Le premier épisode de la docusérie détaille les trois carnages qui se sont déroulés, en octobre 1994, à Morin-Heights, dans les Laurentides, de même qu’à Salvan et à Cheiry, en Suisse.

À Salvan, les 25 templiers du Soleil ont, pour la plupart, été drogués au rohypnol avant le « grand départ ». Les 23 victimes de Cheiry ont été liquidées parce qu’elles doutaient ou songeaient à quitter le mouvement. Jouret et Di Mambro les considéraient comme des traîtres.

Le deuxième épisode creuse le sanglant chapitre des maisons circulaires de Morin-Heights, où un enfant de 3 mois a été poignardé 54 fois, avant qu’on lui enfonce un pieu dans le cœur.

Ses parents, Tony et Nicky Dutoit, ont aussi été tués à coups de couteau. Responsable des trucages et effets spéciaux pendant les rituels de l’OTS, Tony menaçait de tout dévoiler aux fidèles. Nicky s’occupait des repas et prenait soin de l’enfant cosmique de Di Mambro, supposément né par conception théogamique.

Au troisième épisode, le réalisateur Jean-François Poisson donne la parole au controversé Richard Glenn, de la défunte émission Ésotérisme expérimental, qui avait interviewé Luc Jouret en 1983. L’ufologue Richard Glenn est disparu du radar médiatique après avoir été reconnu coupable d’agression sexuelle sur deux jeunes garçons, au printemps 2000.


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L’enquêteur de la Sûreté du Québec Jacques St-Pierre

Vous verrez également dans L’Ordre du Temple solaire les témoignages de journalistes ayant fouillé cette affaire sordide, dont ceux de Robert Plouffe de TVA, Pierre Tourangeau de Radio-Canada et François Bourque du Journal de Québec (maintenant au Soleil), qui a dû identifier le cadavre de sa collègue Joce-Lyne Grand’Maison dans une morgue suisse.

L’éditrice Louise Courteau, qui a publié le livre Médecine et conscience de Luc Jouret en 1992, ne croit toujours pas à la thèse du massacre orchestré par les deux gourous mégalomanes. Selon elle, quelqu’un d’autre de plus haut placé aurait tout organisé.

Un des récits les plus forts de la série est celui de la cantatrice Évelyne Brunner, adepte de la première heure de l’OTS. Elle explique avec moult détails l’emprise exercée par le messie de l’Apocalypse sur ses ouailles, comment il les manipulait et pourquoi toutes les femmes buvaient ses paroles.

Luc Jouret était peut-être très beau physiquement, mais il puait, révèle Évelyne Brunner. C’est que ce grand prêtre de l’homéopathie refusait de mettre du déodorant. Un secret de l’OTS visiblement pas assez fort pour lui. Quel personnage répugnant, sur tous les plans.