Véronique Cloutier croule sous les commentaires depuis la mise en ligne, lundi matin, des trois épisodes du documentaire Loto-Méno sur la portion de l’Extra de Tou.TV qui porte son prénom.

Jamais, en 28 ans de carrière, l’animatrice n’a été ensevelie d’autant de témoignages, aussi rapidement. « C’est un tsunami. Ça n’arrête pas. Je suis inondée de messages. Je me doutais que j’allais parler à bien des femmes, mais jamais autant », a confié Véronique Cloutier en entrevue téléphonique.

Lancée par la Dre Sylvie Demers, la pétition qui découle de Loto-Méno, et qui vise à convaincre la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) de rembourser l’hormonothérapie bio-identique, a recueilli plus de 30 000 signatures en moins de 48 heures.

Non, les « madames » ne se sont pas calmé les hormones, comme le leur a longtemps intimé cette expression laide et réductrice. Elles ont suivi Véro dans sa quête, qui se transforme en enquête, en trois heures bien ficelées.

C’est excellent, même pour les gars qui pensent qu’il ne s’agit que d’un « truc de bonnes femmes frustrées ». Vous avez tort. Vous avez tous une mère, une sœur, une conjointe, une fille, une collègue ou une amie qui passera dans ce tordeur hormonal.

Mon petit doigt me dit que Loto-Méno finira par sortir de l’Extra de Tou.TV pour atterrir à la télé régulière. C’est une mission du service public que d’informer et d’éclairer, non ?

Avec Loto-Méno, qui aborde sans tabou les ravages de la périménopause, Véronique Cloutier fait un premier geste politique fort. Car oui, il s’agit d’un geste politique, qui interpelle le gouvernement québécois sur un enjeu hyper important, soit la santé des femmes.

Bien sûr, Véro s’implique dans diverses causes caritatives depuis des années, dont la construction de maisons pour héberger des personnes autistes d’âge adulte. Mais c’est la première fois que l’animatrice de 46 ans porte une cause avec autant de conviction et de détermination en se servant de sa notoriété. C’est majeur. Surtout en cette ère où les vedettes monnaient leur célébrité en échange d’un paquet de niaiseries sur Instagram.

On s’entend. Véronique Cloutier aurait les moyens de se payer un traitement hormonal extrait de bandelettes de la momie de Cléopâtre si elle le voulait. « J’ai des assurances privées, je m’en sors très bien. Je l’ai fait pour que les femmes ne se sentent pas folles ou seules là-dedans et qu’on leur donne accès à des soins adéquats », explique Véronique Cloutier.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Véronique Cloutier en discussion avec son amie Hélène Bourgeois Leclerc dans le documentaire Loto Méno

La RAMQ ne rembourse actuellement que l’hormonothérapie dite classique. Pour l’hormonothérapie bio-identique, qui utilise des molécules pareilles à celles que sécrète le corps humain, une femme paie entre 50 $ et 100 $ par mois de sa propre poche. Plusieurs spécialistes, dont la Dre Sylvie Demers, jugent que les traitements bio-identiques sont bien meilleurs pour les femmes en déficit hormonal.

Autre injustice dévoilée par Loto-Méno : la RAMQ couvre les traitements hormonaux bio-identiques des hommes. Mais pas ceux des ménopausées. Je précise ici que le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, n’a pas commenté ce dossier mardi.

Malgré les débats chauds que suscite Loto-Méno depuis plusieurs jours, Radio-Canada s’est fait tirer l’oreille avant d’accepter ce projet documentaire jugé peu sexy, même avec une tête d’affiche aussi populaire que Véronique Cloutier.

« Je ne blâme personne, pour vrai. Autour de moi, peu de gens ont mesuré l’ampleur du problème avant de voir les premières images du documentaire. Même la réalisatrice Marisol Aubé n’était pas convaincue, pour se rendre compte, pendant les tournages, qu’elle était elle-même direct dedans », se souvient Véronique Cloutier.

Sautes d’humeur, épisodes dépressifs, impression de ne plus se reconnaître, chicanes de couple qui ont failli virer au divorce (trois fois), prise de poids, perte de poids, rétention d’eau, Véro a pigé le mauvais numéro au loto de la méno.

À la caméra, l’animatrice se livre sans gêne à propos de sa sécheresse vaginale ou de ses règles abondantes, qui ont traversé son costume de scène pendant un spectacle de la tournée des Morissette.

Cette honnêteté brutale était nécessaire pour que les téléspectatrices se reconnaissent dans son témoignage. Et c’est ce qui explique la vague d’appuis qui s’abat sur Véro depuis la sortie de Loto-Méno.

Pendant sept ans, Véro en a bavé. Trois semaines avant la diffusion du gala des Gémeaux de 2019, l’animatrice nageait dans le fond du baril. « J’allais vraiment mal. J’étais assise dans le divan, en linge mou, et je pleurais sans arrêt. Je me demandais comment j’allais passer à travers mon automne. Je ne me voyais pas remettre mes talons hauts et monter sur scène. Il n’y avait pas d’historique de problèmes de santé mentale dans ma famille, je ne comprenais pas ce qui se passait avec moi. J’ai passé proche de ne pas être capable d’animer les Gémeaux. Je pense que c’est là que Louis [Morissette] a vraiment réalisé que ça n’allait plus du tout », me raconte Véronique Cloutier.

Véro ne compte pas se pointer à l’Assemblée nationale, comme l’a fait Julie Snyder pour la procréation assistée, afin de poursuivre le combat. « J’ai fait une passe sur la palette à la Dre Sylvie Demers, une spécialiste de ce sujet. Je ne veux pas porter ça moi-même. Je ne suis pas médecin. Il y a plein de détails techniques et scientifiques que je ne connais pas », dit-elle.

Juste d’en parler publiquement comme elle l’a fait, Véronique Cloutier a déjà déblayé une grosse partie du terrain. Les artisans du showbiz ne sauvent peut-être pas de vies, mais ils peuvent contribuer à les changer ou à les rendre plus douces. Et sans grosses bouffées de chaleur.