Lors du dernier budget provincial, 50 millions de dollars ont été annoncés pour financer des projets de reprise collective d'entreprises. Une avenue encore méconnue de plusieurs et souvent vue comme impossible autant par les travailleurs que par les dirigeants d'entreprises. Survol de cette stratégie appuyée par le Centre de transfert d'entreprise du Québec (CTEQ).

Le mouvement coopératif est fort au Québec, mais lorsque vient le temps de transférer une entreprise, le réflexe de se tourner vers une coopérative d'employés n'est pas encore très développé.

C'est ce que constate Vincent Lecorne, président-directeur général du CTEQ créé en 2015 pour donner un coup de pouce aux repreneurs et aux cédants et ainsi pérenniser les entreprises québécoises et les emplois.

« Souvent, autant le propriétaire-dirigeant d'une entreprise que ses employés pensent qu'une coopérative de travailleurs ne pourrait jamais réussir à acheter l'entreprise », explique-t-il.

Or, c'est souvent plus accessible qu'on pourrait l'imaginer.

UN EXEMPLE PLAUSIBLE

Au Québec, le CTEQ évalue qu'une PME réalise en moyenne un chiffre d'affaires annuel d'environ 1,2 million à 1,5 million de dollars et compte une dizaine d'employés.

« Environ 80 % des PME sont dans une situation semblable à celle-ci », précise Vincent Lecorne.

Pour simplifier, si on prend une entreprise qui vaut environ 1 million de dollars, les travailleurs doivent amasser généralement en mise de fonds 250 000 $, soit 25 % de la valeur, afin de convaincre des partenaires financiers du sérieux de la démarche.

Si 10 employés gagnent 50 000 $ par année et qu'ils mettent de côté chacun 10 % de leurs payes, ils auront amassé la somme souhaitée au bout de cinq ans.

Si le propriétaire-vendeur est plus pressé, plusieurs options peuvent être envisagées, comme augmenter le nombre d'employés dans la coopérative ou augmenter le pourcentage mis de côté.

Avec 15 employés, toujours à 50 000 $ par année et 10 % mis de côté, on amasse la somme en à peine plus de trois ans. Certains employés peuvent aussi vouloir investir davantage grâce à une somme qu'ils ont déjà économisée.

« Souvent, on sous-évalue la puissance d'un tel exercice », constate M. Lecorne.

UN PROCESSUS RIGOUREUX

Le CTEQ propose d'ailleurs un programme de soutien à la reprise collective qui accorde des sommes aux propriétaires-dirigeants et aux groupes de travailleurs afin de rémunérer des professionnels qui réaliseront différentes analyses autant financières que juridiques. On fera aussi un diagnostic organisationnel afin d'identifier un leader dans l'organisation pour porter le projet.

« Avec l'ajout du 50 millions pour financer des projets, tout est maintenant en place pour faciliter la reprise collective d'entreprises », affirme M. Lecorne.

Le CTEQ travaille déjà sur une dizaine de dossiers qui pourraient se réaliser dans les prochaines années, mais espère en avoir au moins une trentaine.

« Il reste maintenant à davantage de propriétaires d'entreprise au Québec à répondre présents, parce qu'on réalise que peu encore manifestent leur intérêt de céder leur entreprise », affirme le PDG de l'organisme.

D'autant plus que malgré une certaine urgence qu'il peut y avoir dans un transfert d'entreprise, les propriétaires-dirigeants doivent être conscients que réaliser ce genre de projet prend du temps.

« Il faut prévoir un minimum de deux à trois ans, mais ça peut facilement aussi aller à cinq ans ou plus », affirme M. Lecorne.

Mais, pour être viable, le projet ne peut pas trop s'étirer dans le temps non plus.

« Parce qu'au bout du compte, ajoute M. Lecorne, il y a un propriétaire-dirigeant qui veut avoir de l'argent pour son entreprise. »