En 25 ans, le secteur de la construction a réussi à réduire de façon spectaculaire le nombre d'accidents sur ses chantiers. Malgré tout, encore aujourd'hui, on dénombre en moyenne 19 employés qui se blessent chaque jour au boulot. Coup d'oeil à l'état de la santé et de la sécurité des travailleurs de la construction.

Le taux de fréquence des accidents sur les chantiers a diminué de 400% au cours des 25 dernières années, rapporte Paul Héroux, directeur général de l'Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur de la construction.

«À l'époque, il se produisait entre 13 000 à 14 000 lésions pour 90 à 100 millions d'heures de travail, précise-t-il. Aujourd'hui, c'est 6000 à 7000 lésions pour environ 150 millions d'heures de travail.»

M. Héroux attribue ce progrès entre autres à l'amélioration des équipements. L'introduction de plateformes élévatrices et de harnais de sécurité a permis, par exemple, de prévenir bien des chutes.

En revanche, depuis trois ans, le taux de fréquence des accidents a atteint pratiquement le point de stagnation avec une diminution de moins de 1% par année.

Le nombre de morts accidentelles fait aussi du surplace. «Depuis un peu plus d'une décennie, on compte une moyenne de 13 décès par année et 2015 ne fera pas exception», indique M. Héroux.

Pourquoi? «En matière de prévention, l'industrie de la construction est un système qui fonctionne à plusieurs vitesses, répond-il. Bon nombre de chantiers sont conformes, mais plusieurs autres ne le sont pas encore.»

Certains secteurs sont plus laxistes que d'autres. «Sur des chantiers résidentiels, institutionnels et commerciaux, on constate souvent de très grandes lacunes dans l'application des normes minimales de santé et de sécurité, ce qui est moins le cas du côté industriel et dans les grands projets civils», remarque François Simard, président d'Agence SST, une firme privée spécialisée dans la gestion de la santé et de la sécurité sur les chantiers de construction.

Amiantose et silicose

Les maladies professionnelles comme l'amiantose et la silicose inquiètent les spécialistes en prévention. Sournoises, ces fibroses pulmonaires sont causées par l'inhalation prolongée de poussières d'amiante ou de silice cristalline. Les symptômes ne se déclarent que des années plus tard, généralement lorsque la maladie est à un stade avancé.

La sensibilisation aux risques de l'exposition aux poussières d'amiante et de silice reste laborieuse. «Nous avons des équipements de protection, des méthodes de travail et des protocoles, mais tout n'est pas toujours suivi à la lettre», observe Paul Héroux.

«Les gars connaissent peu les dangers des poussières de silice cristalline, contrairement à ceux de l'amiante dont on a beaucoup entendu parler dans les médias, signale François Simard. Non seulement ils ne sont pas au courant, mais c'est aussi difficile de les convaincre. Combien de fois leur rappelle-t-on de capter à la source les émissions de silice et d'utiliser une protection respiratoire? Ils n'entrevoient pas les conséquences à long terme.»

Une culture à implanter

En épluchant les rapports d'enquête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), François Simard a observé que les accidents sont souvent causés par une planification du travail sécuritaire insuffisante ou carrément absente.

À la source, il note plusieurs problèmes, dont une ignorance ou un non-respect de la réglementation tant chez les employés que chez les gestionnaires. Le respect des coûts et des échéances prend aussi le pas sur la formation en gestion des risques critiques qui s'en trouve déficiente.

«Afin d'améliorer les standards sur tous les chantiers, on doit implanter une véritable culture de la santé et de la sécurité du travail. Il faut que ça devienne une valeur, une chose non négociable, sinon on va continuer d'improviser et de mal gérer les risques», affirme François Simard.

Si la santé et la sécurité sont l'affaire de tous, elles reposent tout particulièrement sur les épaules du maître d'oeuvre, celui qui a la responsabilité de l'exécution des travaux et exerce une autorité réelle sur le chantier. «Si le maître d'oeuvre choisit bien ses entrepreneurs et cultive des exigences élevées en ce qui a trait à la santé et à la sécurité, on peut s'attendre à avoir un chantier plus sûr», estime Paul Héroux.

Cela dit, la tendance veut qu'on insiste davantage sur le comportement sécuritaire de l'employé plutôt que sur la responsabilité des employeurs d'«éliminer à la source même les dangers», comme le prescrit la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Une réalité que déplore Paul Héroux.

Nouvelles technologies

M. Héroux est convaincu que les nouvelles technologies donneront un nouveau souffle à la prévention sur les chantiers de construction. Il observe la création d'applications pour aider les petits entrepreneurs à mieux gérer les risques; de capteurs électroniques intégrés à des appareils de levage pour éviter les risques de surcharge et donc de renversement; et de détecteurs de mouvements pour éviter les collisions avec des camions.

«Grâce à ces technologies, nous amorcerons un retour vers l'élimination du danger à la source», croit-il.

EN CHIFFRES

6871

Nombre de lésions professionnelles dans le secteur de la construction en 2014. En 2013, on en répertoriait 7364.

51

Nombre de travailleurs de la construction qui ont perdu la vie en 2014. Parmi eux, 39 sont morts d'une maladie professionnelle.

700

Nombre de travailleurs qui font une chute sur les chantiers chaque année.

11

Nombre de travailleurs coincés dans des excavations en 2014.

39

Nombre de travailleurs qui ont subi des décharges électriques sur des chantiers en 2014.