Le constat

«Une méprise commune chez les nouveaux entrepreneurs et notamment chez les designers, c'est de confondre le succès d'un produit avec le succès d'une entreprise», lance d'emblée André Desrosiers, professeur à l'École de design de l'UQAM et auteur d'une étude sur les designers fabricants.

Gluk est profitable. Panoplie ne l'est pas. «Pour que Panoplie connaisse un succès commercial, elle doit dégager de ses ventes suffisamment de marge bénéficiaire pour payer ses matières premières, ses outillages, ses frais de vente et l'ensemble de ses frais généraux, y compris des salaires et un bénéfice raisonnable», commente le professeur.

Sarah Brousseau, Cléo Poirier-Muszinzky et Marie-Christine Rondeau sont toutefois sur la bonne voie: Gluk connaît du succès, son prix est bien ciblé.

Pour l'instant, l'accroissement des bénéfices ne passe pas par la réduction des coûts de fabrication de Gluk, mais plutôt par l'augmentation des ventes.

Or, les trois partenaires en ont bien conscience, la conclusion d'une vente auprès de la moindre boutique exige temps, efforts et argent. «Il faut donc que cette vente permette des commandes importantes, ce qui n'est pas possible avec les seuls sous-verres Gluk.»

Leur gamme de produits se résume à un seul article, décliné en deux versions, qui ne suffisent pas à amortir raisonnablement les frais de démarchage et de marketing de l'entreprise. «C'est un peu comme si un magasin de vêtements n'avait qu'un modèle de chemise à vendre, décrit André Desrosiers. Même populaire, cette seule chemise ne peut payer le loyer de la boutique et les salaires des vendeurs.»

Les suggestions

Quoi faire? «Développer!, s'exclame André Desrosiers. Développer avec tout ce qu'elles ont déjà! Elles ont un fournisseur qui sait faire du découpage à l'emporte-pièce et qui sait peut-être faire de la thermo-impression, elles connaissent plusieurs matériaux, elles ont des assembleurs, elles ont un réseau.»

De plus, leur profession leur procure le grand avantage de concevoir et de mettre au point de nouveaux produits à coût minimal. Reste à savoir lesquels.

«Pour profiter de leur meilleur actif - leur clientèle existante -, elles doivent se concentrer sur des produits qui trouveront preneur auprès des acheteurs qu'elles ont déjà», avise André Desrosiers.

Dans l'hypothèse où les trois associées souhaiteraient poursuivre sur la lancée des articles pour réception, il donne l'exemple de napperons et autres articles de fêtes. «Les prochains produits n'ont pas nécessairement à être aussi distinctifs, dit-il. Ce qu'il y a de plus difficile, c'est d'entrer chez un client.»

Les précautions

Gluk est ce qu'on appelle en anglais une novelty, un petit article original, décoratif, amusant. Mais éminemment copiable.

«D'autres produits semblables peuvent voir le jour, prévient André Desrosiers. Le temps joue donc contre elles. En ce moment, tous leurs oeufs sont dans le même panier.»

Les trois associées envisagent d'explorer le marché des entreprises pour leur sous-verre. «Ce n'est pas une mauvaise idée de songer au corporatif, commente André Desrosiers. Je trouve seulement qu'elles essaient de tirer trop de jus d'un petit citron.» Pour vendre des sous-verres à une entreprise, il faudra déployer les mêmes efforts de vente que pour gagner une nouvelle boutique à leur produit.

Avec une gamme élargie, elles pourront accéder aux chaînes de magasins. «C'est là que ça commence à aller vite. Ouvrir un compte dans une boutique ou ouvrir un compte dans 75 magasins Partyville, c'est le même effort.»

Panoplie en bref

Au cours de sa première année d'existence, Panoplie a vendu plus de 2000 ensembles de sous-verre Gluk.

Depuis mars 2011, son chiffre d'affaires atteint 35 000$.

Sarah Brousseau, Cléo Poirier-Muszynski et Marie-Christine Rondeau ne peuvent pas encore en vivre. «Ça rapporte des sous, on n'est pas perdantes, mais on ne calcule pas notre temps», confie Sarah Brousseau.

Pour Gluk, elles songent à développer le marché promotionnel et corporatif. Elles travaillent avec une sérigraphe pour l'impression de motifs et de logos.

«L'idée serait de développer une famille d'objets qui répondent à des besoins quotidiens, mais qui rassemblent et qui font sourire», ajoute Mme Brousseau.

Pour l'instant, les trois associées ont conservé leur emploi respectif. «On garde une petite disponibilité en attendant de se lancer dans l'aventure, explique-t-elle. On sait qu'on devra éventuellement tout mettre de côté pour consacrer tout notre temps là-dessus.»