Charles Sirois est fondateur et président du conseil de Telesystem, fondateur et président du conseil d'Enablis.

Q- En quoi le marché international est-il différent du marché régional?

R- Premièrement, l'essai-erreur ne fonctionne pas très fort à l'international. Pourquoi? Sur le marché local, tu es chez toi, ton action est beaucoup plus directe et beaucoup plus près du marché, tu peux essayer quelque chose et le corriger rapidement. À l'étranger, les actions vont se faire à distance. Elles risquent de se faire par procuration, c'est-à-dire par délégation de pouvoir, soit à travers un partenaire, soit à travers un dirigeant mis en place là-bas. Et la correction de l'erreur amène des délais qui peuvent être beaucoup plus coûteux qu'une correction sur le marché local.

Q- On n'a donc pas droit à l'erreur?

R- S'il y a moins d'essais et erreurs, ça signifie qu'il faut plus de réflexion. Souvent, un entrepreneur aura tendance à passer plus rapidement à l'action, et la phase de réflexion est un peu plus courte. L'entrepreneur local va tirer d'abord et poser les questions ensuite. Mais tu ne peux pas faire ça à l'international. Il faut garder ton dynamisme, mais tu dois être un peu plus prudent dans ton action et lui accorder un peu plus de réflexion.

Q- Quel est le principal défi pour un entrepreneur qui vise un marché international?

R- Lorsqu'une entreprise locale passe à l'international, le chef d'entreprise doit se libérer du temps. L'exploration du marché international ne se délègue pas dans une petite entreprise. C'est le travail de l'entrepreneur propriétaire. Mais il ne faut pas mettre en danger les activités locales parce qu'il sera soudainement beaucoup moins présent dans son entreprise. Ça prend du temps pour faire de l'international. C'est très taxant pour le chef d'entreprise. Il faut préparer son entreprise et surtout préparer sa disponibilité.

Q- Ses fréquentes absences auront-elles d'autres impacts?

R- L'équilibre famille-entreprise va être bouleversé par un chef d'entreprise qui décide de se tourner vers l'étranger. Sa présence auprès de sa famille va se trouver très diminuée. C'est inévitable. C'est une décision qui doit être discutée et acceptée.

Q- Comment l'entrepreneur doit-il se préparer?

R- Si vous voulez faire des affaires en Inde, il me semble que la première chose à faire est de lire sur l'Inde. J'avais songé à faire des affaires en Russie et j'avais contacté un professeur spécialisé en histoire russe à l'UQAM. Je lui avais dit que je voulais suivre un cours privé d'histoire politique de la Russie d'une douzaine d'heures et que je le paierais. J'ai eu six séances de deux heures. Il avait structuré un curriculum qu'il m'avait envoyé, et je lui avais dit que je voulais plus de temps sur tels aspects et moins de temps sur tels autres. Après tout ça et quand j'ai tout compris, j'ai décidé que je n'irais pas en Russie.

Q- Où trouver des appuis?

R- Quand vous êtes dans un nouveau marché, servez-vous des infrastructures que vos taxes ont déjà payées. Les ambassades, Exportation et développement Canada [EDC], par exemple... Mais il faut savoir s'en servir intelligemment, travailler avec eux. Les délégués commerciaux des ambassades canadiennes connaissent très bien les marchés locaux et peuvent vous faire gagner énormément de temps.