Vassilios Papadopoulos n'en revient pas encore. Le directeur de l'Institut de recherche du Centre de santé de McGill reste toujours ébahi du don de 12,5 millions de dollars que la pharmaceutique Merck a fait à son institut ainsi qu'au Centre de recherche du CHUM et à l'Institut de cardiologie de Montréal. L'annonce de cet investissement a été faite le 26 novembre dernier.

«Quand je leur ai demandé sur quoi ils voulaient qu'on travaille, ils ont répondu que ça leur était égal: cardiologie, cancer, neurologie, maladies métaboliques, comme on voulait. Quand je leur ai demandé s'ils voulaient un droit de premier regard sur les résultats de la recherche, ils ont répondu non!»

Autre surprise, Merck fait cet investissement sur le moyen terme, soit six ans. «Ils ont toutefois insisté pour que l'argent finance les labos de jeunes chercheurs, des étoiles montantes que l'Institut de recherche pourrait aller recruter ici ou à l'international.»

«Pour nous, c'est superbe! résume le docteur Papadopoulos. Ils n'ont même pas mis de limite sur la propriété intellectuelle. Il est clair qu'on est dans le contexte de la nouvelle stratégie d'affaires des pharmaceutiques, l'innovation ouverte. Ils se retirent de la recherche fondamentale et financent ceux qui y excellent.»

Le chercheur rappelle les changements profonds que vivent les sociétés pharmaceutiques. «Pensez qu'à l'avenir, nos deux grands centres hospitaliers universitaires pourraient représenter un atout extraordinaire pour la recherche que les sociétés ont décidé de financer. Déjà, avant ce virement de bord des pharmaceutiques, le CUSM et le CHUM attiraient 250 millions de dollars annuellement en contrat des sociétés pharmaceutiques.»

Relève des biotechs

Les 12,5 millions de Merck réjouissent Mario Lebrun, directeur général de BioQuébec, association des sociétés de biotechnologies du Québec. «Nos deux futurs superhôpitaux pourraient devenir des incubateurs de la prochaine génération de sociétés de biotechnologie. Après la vente d'Enobia pour 600 millions en novembre 2011, on attend toujours la relève. Elle viendra peut-être de la conjonction entre l'argent des pharmaceutiques et les collaborations universitaires.»

Pour que cette relève émerge, il existe certaines conditions sine qua non, selon M. Lebrun. «Les sociétés de valorisation de la recherche universitaire doivent être financées correctement par l'État pour faire le travail qui leur incombe. La tâche délicate de créer une société nouvelle ou de transférer à une société existante les brevets d'une découverte universitaire nécessite des ressources importantes. Il faut que le gouvernement mette de l'argent là-dedans.»

Afin de créer les conditions favorisant un financement adéquat, trois de ces sociétés de valorisation ont pris les devants en septembre 2012 et ont annoncé un «rapprochement» qui pourrait conduire à une fusion totale. Ce sont les sociétés de valorisation de McGill, de l'Université du Québec, de Concordia, de Bishop et de l'Université de Sherbrooke.

Ces sociétés mettent en commun leurs experts et leurs moyens financiers pour atteindre la masse critique suffisante. Et éventuellement relever le défi de l'innovation ouverte à la pharmaceutique.