Luc Blanchette, ministre délégué aux Mines au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, contribue à la mise en oeuvre de la nouvelle Loi sur les mines votée en 2013 et préside à l'élaboration de la Loi sur les mesures de transparence dans les industries minière, pétrolière et gazière (projet de loi 55) sanctionnée en octobre 2015. Voici ses réponses à cinq de nos questions. - François Riverin, collaboration spéciale.

Q Quelle lecture faites-vous de la situation actuelle de l'industrie minière au Québec?

R On constate une diminution de l'activité d'exploration minière depuis 2011, mais les intentions d'investissements étaient à la hausse pour 2015-2016 selon les statistiques dans l'enquête du début de 2015. La situation reste difficile et c'est pourquoi nous voulons continuer à stimuler l'exploration minière. En plus des allègements déjà accordés sur certains tarifs de services du Ministère et les montants minimaux de travaux statutaires pour conserver les titres miniers [claims], nous regardons du côté des crédits fiscaux. On ne dit pas qu'on ne touchera pas aux déductions accordées pour les actions accréditives, mais le Québec est une des deux provinces les plus généreuses dans ce domaine. Nous mettrons aussi à contribution les institutions financières comme Sidex, Sodemex, le Fonds de solidarité, la SDBJ, SOQUEM et autres pour voir ce qu'on peut faire de plus.

Q Québec a accordé des certificats d'autorisation environnementale à de nombreux projets, mais les financements tardent à venir. Pourquoi?

R Les projets de construction de Dumont Nickel, de Nemiska Lithium, de Mine Arnaud ont obtenu les permis. C'est une étape importante pour ces entreprises pour organiser le montage financier pour construire leur mine. Les exploitants et les financiers veulent avoir un cadre réglementaire qui soit clair, stable et prévisible, et c'est ce que nous leur donnons. Les financements n'ont pas suivi tout de suite parce que la conjoncture est difficile et le gouvernement n'a pas à intervenir dans tous les projets. Oui, nous avons acquis une grosse participation dans Diamant Stornoway, mais sur une base d'affaires, et on s'attend à de bons rendements. Nous ne sommes pas intervenus dans Éléonore, dans Raglan et bien d'autres projets. Investissement Québec vient de prêter 50 millions à Agnico-Eagle, ce qui aidera peut-être à lancer le projet LaRonde 3 et prolonger la vie d'une des plus grosses mines du Québec.

Q La Loi sur les mines et la Loi sur les mesures de transparence dans les industries minière, gazière et pétrolière imposent des obligations de divulgation aux exploitants. Quand aurons-nous accès à ces informations?

R Pour ce qui est de la Loi sur les mines, la divulgation du volume et la valeur du minerai extrait, le montant des redevances versées et les garanties financières sur la restauration des sites, c'est une question de semaines, voire de jours, mais ça se fera cet automne. La Loi sur la transparence a été sanctionnée seulement en octobre. Elle obligera les entreprises à divulguer tous les versements aux communautés dépassant 100 000$. Les communautés autochtones sont soumises aussi à cette loi, mais seulement à partir de juin 2017 pour leur donner le temps de s'adapter. Les Cris ont négocié avec le gouvernement fédéral la non-remise en question de ses paiements annuels à la suite de la divulgation des montants encaissés en redevances et autres. Nous souhaitons, pour notre part, que la divulgation de ces informations permette de niveler les attentes et d'éviter la surenchère. Cela favorisera également l'acceptabilité sociale des projets.

Q Québec a perdu de l'argent en raison des problèmes financiers de Québec Lithium. Faut-il persévérer dans cette direction, compte tenu de l'existence de producteurs plus efficaces ailleurs dans le monde?

R Le Québec est la province la plus diversifiée pour la production de métaux et minéraux, et nous voulons continuer dans cette orientation. Pour le lithium, le nouveau procédé de traitement n'était pas au point et nous n'y avons pas assez investi. Par contre, Nemaska Lithium vient d'obtenir 8 millions du fédéral justement pour perfectionner le procédé. Le marché du carbone va rapporter au Québec 3,3 milliards d'ici 2020, qui serviront à promouvoir l'électrification des transports. Si ça marche et si on parvient à mettre au point la technologie de production de lithium de haute qualité, et qu'en plus on fabrique des batteries haute performance, nous allons avoir besoin de lithium et la mine ne déménagera pas.

Q Dans l'industrie du fer, le pire est-il derrière nous?

R Je ne suis pas devin, mais j'espère que le pire est passé et qu'on s'en va vers une reprise. De voir l'intérêt de la Chine, de l'Inde, du Japon et de la Corée du Sud pour le Québec, afin de sécuriser leur approvisionnement, ça me fait dire qu'il y a des choses très positives qui se trament. Le projet de fer Otelnuk [partenariat Wisco-Adriana Resources, production de 50 millions de tonnes de concentré de fer par année, investissement de 14 milliards US], c'est un gisement de calibre mondial. Ça va partir un jour, oui, mais quand, je ne sais pas.