On ne naît pas entrepreneur, on le devient. Les futurs chefs d'entreprise ont donc intérêt à se lever tôt, si l'on en croit les dirigeants de PME, les fiscalistes et les organismes à qui nous avons parlé.

Le système fiscal québécois est de plus en plus complexe, disent-ils à l'unisson. Et comme si ce n'était pas assez, l'attitude des vérificateurs du gouvernement s'apparente ces temps-ci à de l'inquisition. Bref, acquitter ses impôts est tout sauf un conte de fées quand on brasse des affaires au Québec.

«Au cours de la dernière année, nous avons observé un glissement vers la présomption de culpabilité automatique. Dès qu'une erreur est relevée, le gouvernement envoie des réclamations à nos membres et leur demande ensuite de se défendre. Ça nous préoccupe énormément», explique Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole nationale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).

L'organisme, qui compte 109 000 membres propriétaires de petites et moyennes entreprises d'un océan à l'autre, a demandé à rencontrer Gilles Paquin, président-directeur général de Revenu Québec, afin de faire le point sur la situation. La rencontre est prévue au cours du mois de février.

Lutte contre l'évasion fiscale

À Revenu Québec, on se défend d'être trop agressif. «Annuellement, 3,5 milliards nous échappent collectivement. Nous avons donc fait de la lutte contre l'évasion fiscale une priorité», explique Stéphane Dion, chef des relations publiques à Revenu Québec.

«Depuis la création de l'Agence du revenu du Québec, nous avons ajouté près de 1100 effectifs supplémentaires à notre équipe. Notre objectif est que tout le monde respecte ses obligations fiscales. Nos vérificateurs ne remettent pas des avis de cotisation pour le plaisir. Nous sommes "parlables" », dit-il.

Au-delà de cette problématique, tous s'entendent pour dire que le système fiscal québécois ressemble de plus en plus à un dédale dans lequel les faux pas peuvent s'avérer longs à corriger et, par conséquent, coûteux.

Complexité

«La Loi sur les impôts compte 1227 articles, et la Loi sur la taxe de vente du Québec, 688. Une image vaut mille mots, lance Martine Hébert, de la FCEI. On voit tout de suite la complexité du système fiscal. Aux yeux de nos membres, c'est l'élément irritant le plus important.»

Pierre R. Forand, fiscaliste et associé chez Deloitte pour les régions de Granby et de Farnham, est du même avis. «Il y a 10 ans, je consacrais 5% de mon temps aux litiges fiscaux. Aujourd'hui, c'est de 20 à 25%. Le fait que je sois au Québec, j'ai deux ordres de gouvernement, deux administrations fiscales à satisfaire. Quand je défends mon client, je ne crée pas de richesse et lui non plus. Le système fiscal ne devrait pas contrer la création de richesse», dit-il.

Le fiscaliste comprend que nos gouvernements cherchent plus que jamais à renflouer leurs coffres. «Les entreprises sont structurées pour respecter leurs obligations de conformité fiscale, dit-il. Les 98% qui font bien leur travail se retrouvent à payer pour les 2% qui essaient de tricher.»

La quantité et la complexité des formulaires et des documents à remplir, le manque d'uniformité (certains documents doivent être envoyés électroniquement, d'autres, par la poste) et les crédits d'impôt dont les règles d'application ont de quoi donner de l'urticaire sont autant d'exemples qui rendent la vie difficile aux entreprises, soutient Pierre Forand.

David Dupont, directeur des finances et actionnaire d'Industries Spectal, est lui aussi découragé par la complexité des programmes de crédits d'impôt.

«Ce sont des programmes qui sont gérés par des fonctionnaires et je n'ai pas de problème avec ça, dit M. Dupont. Le doublon de travail et le délai que ça entraîne, c'est ça qui m'irrite. L'argent auquel on a droit arrive, bien souvent, deux ans plus tard. Et il a été précédé de deux processus de vérification.»

Industries Spectal est une entreprise de Granby spécialisée dans la fabrication de fenêtres pour les véhicules. Elle exporte 97% de sa production aux États-Unis, où elle possède deux autres usines. Ce qui donne lieu à d'autres difficultés, selon David Dupont.

«Nous sommes des exportateurs, dit le gestionnaire. Nous payons les taxes à nos fournisseurs, mais nous ne pouvons pas en facturer à nos clients puisqu'ils sont aux États-Unis. C'est donc moi qui réclame des taxes. Mais le remboursement est habituellement long. Je me retrouve donc à financer le gouvernement.»

Donald Beauregard, actionnaire et directeur général administratif de Laser AMP, l'avoue sans ambages. «Je n'ai jamais eu autant de paperasse à remplir depuis que je fais des affaires!»

Au-delà des crédits d'impôt «pour lesquels il faut se justifier constamment», dit-il, M. Beauregard trouve illogique qu'une entreprise qui embauche un sous-traitant doive s'assurer de la conformité de ce dernier. «Est-il conforme auprès de la CSST? Verse-t-il ses taxes au gouvernement? Si, par une enquête, ce sous-traitant est pris en faute, nous pourrions être responsables. Nous sommes là pour faire des affaires, pas pour enquêter sur les gens.»