La conversion d'hôtels en résidences pour étudiants est-elle l'une des prochaines tendances dans le secteur immobilier à Montréal? Les opinions sont partagées. Mais plusieurs éléments laissent croire que de plus en plus d'étudiants montréalais iront vivre «à l'hôtel».

Pour le promoteur américain Campus Crest, lequel gère 45 000 lits dans des résidences privées aux quatre coins des États-Unis, l'offre n'est pas suffisante à Montréal. C'est pourquoi l'entreprise de la Caroline-du-Nord a accepté de faire équipe avec l'européenne Beaumont Partners afin de tenter une première percée dans le marché canadien.

Au cours des huit derniers mois, le duo d'investisseurs a fait l'acquisition du Delta centre-ville (711 chambres) et du Holiday Inn Mid-Town (488 chambres) dans le but avoué d'en faire des résidences étudiantes à temps pour la rentrée 2014. À cela s'ajoute le Quality Inn (140 chambres) acquis par un autre promoteur, mais avec les mêmes intentions.

En tout, les deux hôtels convertis offriront 2234 lits. Pour un bail de 12 mois, il en coûtera entre 1100$ et 1340$ par mois (excluant les repas) pour y vivre. Les demandes d'information et les signatures de baux «dépassent nos attentes», explique Robert Dann, vice-président directeur de Campus Crest.

D'autres fermetures?

Le parc hôtelier montréalais se fait vieux, les coûts d'exploitation (salaires, frais de classification, etc.) sont en hausse et le taux d'occupation, pas toujours élevé. Bref, plusieurs établissements hôteliers sont à la croisée des chemins.

Même s'il préfère ne pas se prononcer sur l'avenir des hôtels à Montréal, Peter Gaudet, associé principal à la firme de consultants Horwath, reconnaît que près du tiers des 80 hôtels en activité dans l'île ont entre 35 et 40 ans d'existence. Autrement dit, ils se font vieux.

«Il y a certes trois importants projets de conversion en ce moment, reconnaît Peter Gaudet. Mais avant de parler de tendance à Montréal, il faudra voir si ces chambres gérées par le privé trouveront preneur rapidement.»

Danielle Chayer, PDG de l'Association des hôteliers du Québec, refuse elle aussi de parler de tendance. «Il y a eu une vague de fermetures d'hôtels ces dernières années à Montréal. Avec un taux d'occupation de 55%, je crois que cette vague va se poursuivre. Reste à voir si ces hôtels seront convertis en résidences pour étudiants, pour personnes âgées ou en copropriétés.»

Le privé contre les universités

L'Université McGill est précurseure en la matière. Elle a acquis trois hôtels depuis 2003: le Sheraton, le Renaissance et l'ancien Courtyard Marriot, lesquels ont été convertis en 750 chambres d'étudiants, dont plus de 80% accueillent deux étudiants. Incluant les repas, il en coûte entre 14 000$ et 16 000$ pour séjourner huit mois dans l'un de ces établissements rattachés à McGill.

«La force de notre réseau de résidences, et c'est propre à la culture anglophone, c'est d'avoir un paquet de services en lien avec l'université, affirme Mathieu Laperle, directeur principal du service de logement étudiant et d'hôtellerie. Que ce soit du soutien scolaire ou psychologique, les services d'une nutritionniste, des conférences, etc., nous offrons plus que des chambres sous un toit. C'est une extension de la vie étudiante.»

Selon elle, il faudra voir si les promoteurs de résidences privées comprennent bien la culture québécoise. Et s'ils auront un fort pouvoir d'attraction. «Leur défi sera d'attirer des étudiants de plusieurs universités en même temps», ajoute-t-elle.

Jean Laurin, président et chef de la direction de la firme de conseil et de courtage immobilier Devencore NKF, pense que d'autres résidences étudiantes pourraient voir le jour à court terme.

«Il y a désormais une grande demande dans ce secteur, dit-il. Tout ça part d'un besoin. Nos universités sont reconnues à l'échelle internationale. Le nombre d'étudiants étrangers est à la hausse. La business hôtelière est en train de changer.»