C'est une question brûlante d'actualité : faut-il éliminer les actions à droit de vote multiple, ou à tout le moins diminuer le nombre de votes qu'elles confèrent ?

La question a fait surface lors de l'assemblée annuelle de Bombardier vendredi dernier et semble au coeur d'une éventuelle participation du gouvernement fédéral au financement du programme C Series. On sait que la famille Bombardier-Beaudoin possède plus de 50 % des droits de vote bien qu'elle détienne moins de 20 % du capital.

Il y a moins d'un an, la Caisse de dépôt et placement du Québec a refusé de participer à une émission d'actions de Bombardier parce que celle-ci ne voulait pas obtempérer à une requête voulant limiter les actions à droit de vote multiple à un ratio de 6 : 1. Ce ratio chez Bombardier est actuellement de 10 : 1. Selon les bruits qui courent, le gouvernement fédéral voudrait lui aussi une diminution de ce ratio. Vendredi, le président exécutif du conseil d'administration de Bombardier, Pierre Beaudoin, a indiqué que la société n'avait pas l'intention de changer « quoi que ce soit à ce sujet-là ».

Selon Michel Nadeau, directeur général de l'IGOPP (Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques), les pressions sur le gouvernement fédéral viennent de Bay Street, où certains fonds d'investissement veulent faire payer à la famille Bombardier-Beaudoin les erreurs qui ont entraîné les dépassements de coûts et les retards importants qui menacent le succès de la C Series et, du même coup, la rentabilité de l'entreprise.

PAS NÉCESSAIREMENT FAVORABLES AU QUÉBEC

Au Québec, les intervenants sur les questions de gouvernance ne sont pas nécessairement favorables à une diminution du contrôle de ces grands entrepreneurs fondateurs de ces entreprises. C'est le cas du MÉDAC (Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires), explique son président du conseil d'administration, Daniel Thouin.

Ces grandes entreprises familiales sont stratégiquement importantes au Québec, et l'existence des actions à droit de vote multiple permet de les préserver d'une prise de contrôle par des groupes extérieurs. Le MÉDAC craint d'ailleurs que d'éventuelles exigences du gouvernement fédéral afin de réduire le contrôle de la famille Bombardier-Beaudoin n'exposent Bombardier au risque d'une prise de contrôle étrangère.

Mais cela ne veut pas dire qu'on ne gagnerait pas à apporter des améliorations aux règles de gouvernance. Dans le cas des firmes avec des actions à droit de vote multiple, le risque est grand que les volontés des autres actionnaires ne soient pas connues et reflétées dans les décisions.

Pour parer à ce problème, le MÉDAC demande à ces entreprises d'effectuer une divulgation ventilée par catégories d'actions des résultats des votes pris lors des assemblées d'actionnaires. « Cela appliquerait une certaine pression sur les dirigeants pour qu'ils prennent en considération les volontés de l'ensemble des actionnaires », dit Daniel Thouin.

Jusqu'à présent, une proposition de ce type a été acceptée par Quebecor et Cogeco, mais refusée par CGI et Power Corp. Au moment d'écrire ces lignes, les dirigeants de Bombardier ne semblaient pas disposés à l'accepter.

Par ailleurs, certains pas vers une meilleure gouvernance ont été faits chez Bombardier, explique Michel Nadeau. « Ce n'est plus un Beaudoin qui dirige l'entreprise », dit-il. En effet, le 13 février 2015, Alain Bellemare était nommé président et chef de la direction, ainsi que membre du conseil d'administration de Bombardier. « C'est lui maintenant qui est le patron », dit Michel Nadeau.

Toutefois, il reconnaît que le fait que Pierre Beaudoin demeure président exécutif du conseil d'administration assure quand même la présence d'un membre de la famille à proximité des prises de décision.