La fiducie gagne à être mieux connue, selon Chanel Alepin, avocate spécialisée en litige fiscal au cabinet Alepin Gauthier. Sa complexité en arrête plus d'un alors que les avantages qu'elle procure pourraient être salutaires, notamment pour les entrepreneurs.

Q Qu'est-ce qu'une fiducie?

R C'est un mécanisme, prévu par le Code civil québécois, qui permet à une nouvelle entité de détenir des biens et de les gérer à titre de propriétaire autonome et indépendant.

Il en existe de multiples sortes réparties dans deux grandes catégories: les fiducies testamentaires et celles entre vifs (constituées de son vivant).

«Les biens placés dans une fiducie n'apparaissent pas dans le bilan de la personne qui les a transférés. La fiducie est une entité distincte de la personne», explique Annie Boivin, directrice principale planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD.

Q À quoi ça sert?

R L'utilité d'une fiducie est très diverse: protéger des biens contre d'éventuelles poursuites, une faillite ou encore un divorce à certaines exceptions près, fractionner le revenu, prévoir le legs d'un bien à quelqu'un, protéger les bénéficiaires (enfants mineurs, proche handicapé ou consommateur de drogue) ou encore préparer la relève d'une entreprise (lire les ci-contre).

Q À qui ça s'adresse?

R À tout le monde. Aucune somme ou valeur minimale n'est imposée par la loi. C'est néanmoins les gens fortunés (entrepreneurs, professionnels), mais également les personnes ayant des proches vulnérables à protéger qui sont le plus susceptibles de tirer profit de la création d'une fiducie.

«Tout entrepreneur devrait, idéalement au moment de constituer son entreprise, faire analyser l'intérêt qu'il y aurait pour lui de créer une fiducie maintenant ou plus tard selon divers facteurs (situation familiale, revenus générés, etc.)», affirme Chanel Alepin, avocate spécialisée en litige fiscal au cabinet Alepin Gauthier.

Q Quelles sont les limites de la fiducie?

R La protection des actifs n'est possible que si la fiducie a été constituée correctement. «Le constituant ne peut chercher à se rendre insolvable en vidant son patrimoine et en transférant ses actifs dans une fiducie», souligne Chanel Alepin.

Par ailleurs, «lorsque les bénéficiaires de la fiducie quittent le Canada et deviennent non-résidents, il est important de vérifier quel sera l'impact sur toutes les mesures qui gèrent la fiducie», souligne Annie Boivin.

Q Quels sont les avantages fiscaux?

R Outre le fractionnement de revenus, la fiducie «peut permettre à une famille de payer moins d'impôt. Dans certaines circonstances, telles que la vente des actions d'une petite entreprise exploitée activement, la déduction pour gain en capital de 813 600$, à laquelle une personne peut avoir droit une seule fois dans sa vie, peut être augmentée en multipliant cette exonération par le nombre de bénéficiaires de la fiducie à qui on aura attribué du gain en capital résultant de la vente des actions», explique Chanel Alepin.

Q Quels sont les désavantages?

R La fiducie est une structure complexe et qui engendre des frais. Un fiscaliste doit d'abord analyser si la fiducie est une solution intéressante pour vous. Ensuite, un notaire ou un avocat doit constituer la fiducie et rédiger l'acte qui prévoit ses règles de fonctionnement.

Les autres frais dépendent de l'activité de la fiducie pour laquelle une déclaration d'impôts et des états financiers doivent être produits annuellement.

Cas 1

Un entrepreneur démarre un projet dans un secteur d'activité à risque et souhaite protéger sa maison par exemple. Il peut placer son habitation dans la fiducie afin qu'elle n'apparaisse plus dans son patrimoine et soit ainsi protégée d'éventuels futurs créanciers. Évidemment, ce n'est pas possible de se prémunir contre des créanciers actuels en plaçant un bien dans une fiducie. Il faut qu'elle ait été créée avant.

Cas 2

Un entrepreneur a à sa charge sa famille, sa conjointe ne travaillant pas. Dans le but de réduire la charge fiscale familiale, il peut mettre en place une fiducie qui versera une somme à sa conjointe. En fractionnant les revenus, la part d'impôt payée diminue même si la somme revenant à l'ensemble du foyer est la même.

Cas 3

Un couple souhaite transférer son patrimoine à ses enfants après sa mort. Il peut prévoir une fiducie testamentaire, qui sera créée après le décès. Le patrimoine sera alors reversé aux enfants en fonction des directives laissées par les défunts (gel jusqu'à la majorité, droit de piger dans le capital en cas de dépenses médicales par exemple).

Cas 4

Un entrepreneur d'une cinquantaine d'années veut commencer à planifier sa relève. «Plutôt que de vendre tout de suite ses actions, alors que le repreneur n'est pas encore identifié, il peut commencer la planification de sa relève en mettant en place une fiducie familiale et (geler la valeur de ses actions à un moment donné). Cela permet que la plus-value future de la société s'accumule dans la fiducie tout en gardant la maîtrise de l'entreprise», explique Chanel Alepin.

Cas 5

Les parents d'un enfant avec un handicap mental ou moteur sévère, dépendant d'une aide extérieure pour subvenir à ses besoins, s'occupent de lui pendant toute leur vie. Quand ils vieillissent, afin de s'assurer que leur enfant continue d'avoir les ressources pour vivre après leur disparition, ils peuvent prévoir une fiducie de type Henson. Cette fiducie, entièrement discrétionnaire, permet d'éviter que le capital légué et les revenus générés fassent perdre à l'enfant handicapé son admissibilité aux prestations d'aide sociale.