C'est un nuage menaçant qui vient aujourd'hui jeter de l'ombre sur les petites exploitations aurifères du Québec. L'once d'or, qui s'échangeait encore au début du mois à 1600$, a vu sa valeur s'effondrer pour s'établir aux environs des 1400$. Une chute qui réduit drastiquement la profitabilité, si elle existe, d'une poignée d'exploitations du Québec.

Depuis son sommet de 1908$, atteint à la fin du mois d'août dernier, l'once d'or a perdu plus de 26% de sa valeur sur les marchés. Cette nouvelle conjoncture place une partie des minières aurifères du Québec sur les talons, selon Éric Lemieux, analyste à Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

«Les producteurs qui sont à haut coût sont évidemment en danger, souligne-t-il. Et on en a plusieurs au Québec.» Parmi eux, il identifie, notamment, la mine de Lac Herbin de l'entreprise QMX.

Le président et chef de la direction de la minière, François Perron, admet qu'il devra «réagir» si le prix de l'or ne devait pas grimper de nouveau.

L'année dernière, QMX a extrait l'or de sa mine de Lac Herbin à un coût moyen de 1555$ l'once. Pour l'année qui vient, François Perron prévoit une réduction des coûts de production de la mine entre 1200 et 1400$ l'once. Si QMX y parvenait, il faudrait tout de même qu'elle comptabilise les coûts associés au développement de la mine, estimés à environ 200$ l'once selon son président.

Inutile de souligner donc qu'à 1400$ l'once, la grisaille s'est installée dans les bureaux de la minière. La chute du prix de l'or est particulièrement difficile à encaisser selon le président de QMX, d'autant plus qu'on s'attendait à ce que le coup vienne de Québec.

«Le coup de masse qu'on vient de recevoir est équivalent à ce qui est proposé par le nouveau régime, souligne François Perron. Si les deux coups me frappent en même temps, c'est certain que ça va mal finir. Ce n'est pas une menace, c'est une réalité.»

Ce qui inquiète particulièrement les petites sociétés minières comme QMX, c'est la possibilité, envisagée par le gouvernement Marois, d'exiger des redevances basées sur la valeur brute des minerais extraits plutôt que sur le profit des entreprises.

Une telle mesure sonnerait le glas d'une poignée d'exploitations aurifères québécoises selon Steve Parsons, analyste à la Financière Banque Nationale. «Il n'y a aucun doute dans mon esprit que l'industrie minière va en souffrir, dit-il. Les politiciens ne doivent pas s'attarder à la valeur à laquelle se négocient les métaux, mais évaluer plutôt quels sont les coûts d'exploitation des mines.»

Lebel-sur-Quévillon

Deux des mines qui pourraient écoper de la chute des prix de l'or logent aux abords de Lebel-sur-Quévillon.

La mine Bachelor, propriété de Metanor, et la mine Vezza, appartenant à Maudore - North American Palladium lui a cédé la mine en mars dernier -, ont un autre point en commun: elles amorcent à peine leur production. «C'est une question de semaines avant qu'on déclare officiellement la production, raconte Pascal Hamelin, vice-président des opérations chez Metanor. Présentement, on monte la cadence de production pour atteindre notre objectif de 4000 onces par mois.»

À terme, l'entreprise cible un coût de production avoisinant les 700$. Une estimation difficile à effectuer comme le souligne Pascal Hamelin. «Dans l'industrie forestière, on peut facilement déterminer quel est le volume de la ressource, mais lorsqu'elle est sous terre c'est impossible de le savoir vraiment avant d'être là.»

Pour sa part, la mine Vezza se trouve également en période de rodage après avoir été lancée par la société North American Palladium. Cette dernière estimait en janvier dernier que les coûts de production de cette mine allaient se chiffrer à 1150$ l'once au cours des neuf premiers mois d'exploitation, puis baisser aux environs de 1000$ par la suite.

Aucun dirigeant de Maudore n'a pu se prêter à une entrevue.

La mine Beaufor de Richmont

Avant même que le prix de l'once d'or ne chute sous les 1400$, une rumeur de fermeture planait déjà en mars dernier sur la mine Beaufor appartenant à la minière Richmont.

En déposant ses états financiers de l'année 2012 le mois précédant, l'entreprise dévoilait que son coût de production au comptant s'était élevé à 1394$ l'once d'or à la mine Beaufor. Le hic, c'est qu'il avait grimpé à 1885$ l'or du dernier trimestre de l'exercice.

Pour réduire ses coûts de production à cette mine, l'entreprise a annoncé son intention de recentrer ses activités de forage, délaissant les secteurs plus pauvres en or de la mine Beaufor.

Or, c'est parfois en exploitant ses zones les moins rentables que la mine avait révélé par le passé ses meilleurs filons, raconte Éric Lemieux, analyste à Valeurs mobilières Banque Laurentienne

«Beaufor est pour moi un exemple typique, ajoute-t-il. Ils n'ont jamais eu plus de deux ou trois ans de réserve, et ça fait au moins 10 ans qu'ils continuent en trouvant de nouvelles zones.»

Selon lui, avec la chute récente du prix de l'once d'or, Richmont pourrait devoir fermer sa mine. «C'est sûr que dans l'environnement présent, il leur faudra prendre une décision à savoir s'ils continuent ou s'ils s'arrêtent», dit-il.

Richmont Mines a décliné toute entrevue.