Longtemps mono-industrielle, Drummondville est devenue l’un des plus importants pôles manufacturiers de la province. La Ville cherche maintenant à devenir une référence en innovation. Grâce au maillage entre les entreprises et les établissements collégiaux et universitaires sur son territoire, mais aussi grâce à la mise en place d’un laboratoire unique, la municipalité et sa région sont en train de gagner leur pari.

Par habitant, Drummondville – et ses 85 000 résidants – compte deux fois plus d’entreprises manufacturières (651 au total) que n’importe quelle autre ville du Québec. Il y a 50 ans, l’économie de la capitale du Centre-du-Québec était basée sur l’industrie textile. Aujourd’hui, ses usines se spécialisent dans 10 secteurs, allant de la machinerie aux matériaux composites, en passant par les aliments et le meuble.

Le nouvel objectif de la municipalité : devenir un modèle en innovation, plus particulièrement en matière d’automatisation, de nouvelles technologies, bref d’intelligence artificielle dans un contexte industriel. D’ailleurs, en 2024, Drummondville sera l’hôte du Sommet international de l’innovation en villes médianes.

«  Notre objectif est de devenir une grappe industrielle où on valorise les données, explique Gerry Gagnon, directeur général de Drummond Économique. Ce nouvel univers nous donne confiance quant à la pérennité de notre développement économique. Pour y parvenir, nous avons des scientifiques et des entreprises qui travaillent main dans la main. »

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Gerry Gagnon, directeur général de Drummond Économique

C’est ainsi que la Ville, plusieurs partenaires industriels, de même que le cégep de Drummondville et le campus universitaire de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), ont créé le Centre national intégré du manufacturier intelligent (CNIMI).

Le CNIMI est un laboratoire de recherches et de formation où employés, étudiants, chercheurs, techniciens et ingénieurs se côtoient. Sur place, on trouve une mini usine 4.0 dotée, entre autres, d’outils robotisés pour la logistique et l’inspection. Bref, les employés d’entreprises peuvent se familiariser avec l’univers numérique grâce à une immersion. Les entreprises se bousculent pour profiter d’une telle initiative.

Le Centre national intégré du manufacturier intelligent est en service depuis trois ans, mais vient d’emménager dans un nouvel immeuble de 30 millions de dollars près du campus de l’UQTR.

« Nous sommes la pièce du puzzle qui manquait. Au lieu que chaque entreprise possède son propre laboratoire, nous avons créé un centre où les forces vives travaillent ensemble. Il n’y a pas d’équivalent au Québec. C’est original, très bien pensé. Notre but est de multiplier notre modèle », soutient Hussein Ibrahim, nouveau directeur du CNIMI.

Un cas bien concret

Les exemples d’entreprises innovantes sont nombreux à Drummondville. Qu’elles collaborent au CNIMI ou non. Le cas de Patio Drummond est particulièrement intéressant.

Fondée en 1970, la PME se présente comme le plus grand manufacturier de dalles de béton en Amérique du Nord. En se basant sur les travaux d’étudiants au doctorat de l’Université McGill et leur jeune pousse CarbiCrete, Patio Drummond a réussi à produire à grande échelle et à commercialiser un bloc de maçonnerie dit « carbonégatif ».

Ces blocs de béton gris ne contiennent pas de poudre de ciment, laquelle est le deuxième émetteur de CO2 dans la fabrication du béton, rappelle Philippe Girardin, copropriétaire et directeur innovation de Patio Drummond.

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Philippe Girardin, copropriétaire et directeur innovation de Patio Drummond

« La poudre est remplacée par du laitier de haut fourneau, qui est un résidu des usines de métallurgie, explique-t-il. On évite donc d’envoyer ce résidu dans les sites d’enfouissement. Mais en plus, au moment de faire durcir le béton, on lui injecte du CO2 qui demeure emprisonné dans le bloc et n’en ressort plus. D’où l’appellation carbonégatif. »

Selon M. Girardin, chaque ensemble de 20 blocs de béton produits représente l’équivalent d’un arbre planté.

Le bloc de béton de Patio Drummond/CarbiCrete a été lancé à l’automne 2023. L’objectif de CarbiCrete, indique Philippe Girardin, copropriétaire et directeur innovation de Patio Drummond, est de vendre des licences (bref, la recette) du produit à l’international.

« Ce qu’on a développé à Drummondville aura des répercussions partout dans le monde », s’enorgueillit-il.

Deux défis majeurs

Des défis d’une autre nature guettent cependant Drummondville, selon Gerry Gagnon, de Drummond Économique.

La crise du logement et la pénurie de main-d’œuvre arrivent en tête de liste, dit-il. « Mais la filière batterie est un autre enjeu auquel il faut s’intéresser, croit M. Gagnon. Ça va créer des remous. Bécancour est à moins de 50 minutes en voiture. Oui, certaines de nos entreprises pourraient devenir des sous-traitants dans cette filière, mais plusieurs de nos travailleurs pourraient être attirés là-bas. »