Le rite d’engagement des ingénieurs, durant lequel les novices reçoivent leur anneau, sera prochainement revu. Cette cérémonie vieille d’un siècle fait l’objet d’un débat. Des voix d’ingénieurs se lèvent pour critiquer non seulement un rituel qualifié de « dépassé », mais aussi le secret qui entoure la Société des Sept Gardiens, garante du protocole.

Le rite d’engagement de l’ingénieur, qui symbolise depuis un siècle la préoccupation éthique de ces professionnels, va-t-il évoluer ou se révolutionner ? La cérémonie de l’anneau de fer, codifiée en 1925, prévoit que les ingénieurs fraîchement diplômés lisent un texte écrit par le poète anglais Rudyard Kipling, avant de recevoir l’anneau – aussi désigné jonc – qu’ils passent à leur petit doigt. Depuis 2016, des plaintes émanent de participants à ces cérémonies, critiquant des références dépassées et sexistes.

Lettre publique

L’automne dernier, des ingénieurs et des organisations canadiennes en génie ont cosigné une lettre publique, réclamant la révision de la cérémonie d’engagement « pour que celle-ci reflète les valeurs et les responsabilités qui sont au cœur d’une saine pratique de l’ingénierie », et pour inclure les groupes et les minorités qui auraient pu être offensés par la cérémonie traditionnelle.

« La cérémonie devrait changer, car elle est dépassée », martèle Gerard McDonald, directeur général d’Ingénieurs Canada, le regroupement des associations provinciales réglementaires, cosignataire de la lettre.

PHOTO ÉTIENNE RANGER, LE DROIT

Gerard McDonald, directeur général d’Ingénieurs Canada

Le texte utilisé contient des références chrétiennes et sexistes qui ne reflètent pas les réalités d’aujourd’hui.

Gerard McDonald, directeur général d’Ingénieurs Canada

Face aux critiques, un comité de révision a été constitué pour se pencher sur une nouvelle version, qui pourrait être utilisée dès la fin de l’année, « en tous les cas, avant le centenaire du rite d’engagement », précise Leonard Shara, gardien en chef de la Société des Sept Gardiens. Le texte a déjà connu plusieurs évolutions au cours des dernières décennies. « Nous avons éliminé presque toutes les références religieuses. » La version à venir intégrera davantage de références aux autochtones et à leur contribution, de même que « la reconnaissance que le génie a affecté profondément leur mode de vie », souligne cet ingénieur chimiste.

Leonard Shara a refusé de communiquer à La Presse le texte actuellement utilisé pour les cérémonies, arguant que la société est une corporation privée. Cependant, il reconnaît que plusieurs sections locales n’ont pas encore intégré les changements préconisés par la société.

La pointe de l’iceberg

La cérémonie d’engagement n’est que la pointe de l’iceberg des critiques. Les reproches visent aussi le silence qui recouvre le fonctionnement de la Société des Sept Gardiens. Alors qu’elle revendique une participation d’au moins 95 % des ingénieurs à son rite – qui demeure facultatif –, elle cultive le secret autour de sa gouvernance. « Je ne sais pas comment les gens sont nommés au conseil de la Société des Sept Gardiens, reproche Gerard McDonald. L’anneau est un symbole important pour notre profession, mais la cérémonie et la gouvernance devraient changer. » La lettre publique demande la restructuration de la Société des Sept Gardiens et de ses sections locales, « de sorte que des processus clairs de sélection des gardiens et des processus de reddition de [comptes] soient en place ».

La désignation des gardiens est faite par cooptation, répond Leonard Shara. Les demandes de transparence et d’élections ne convainquent pas le gardien en chef. « Ce n’est pas tout à fait nécessaire, car il s’agit d’une société à but non lucratif qui repose sur le volontariat d’ingénieurs qui font de leur mieux tous les jours », répond-il, en mentionnant que sa réponse aux questions de La Presse est un signe d’ouverture de la part de la société.