Une ferme verticale où poussent des fraises à l’année, un insecticide biologique qui ne nuit pas aux abeilles, un système pour détecter des fuites de pétrole… Ça innove fort au Québec. Mais au-delà de ce bouillonnement apparent, tout n’est pas rose. Survol.

La pandémie a marqué un tournant dans les projets et les façons de faire des entreprises. Pascal Monette, président-directeur général de l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec (ADRIQ), et Luc Sirois, innovateur en chef du Québec, s’entendent pour dire qu’il y a eu un regain de projets innovants au cours des deux dernières années. « On a vu poindre des innovations comme jamais en 2020-2021. C’est étonnant comment le génie humain peut poindre en période de crise », souligne M. Monette.

Malgré ce lot d’innovations, le Québec accuse un léger retard par rapport aux autres provinces. « Les entreprises au Québec innovent un peu moins qu’en Ontario et qu’en Colombie-Britannique, surtout au niveau de la recherche et du développement », indique M. Sirois.

Ce n’est pourtant pas l’expertise qui manque, la province disposant de nombreux experts dans son réseau de 59 centres collégiaux de transfert de technologies (CCTT) et ses centres de recherche universitaires. « Au total, c’est 2500 experts technologiques pour travailler avec les entreprises sur des projets de développement d’innovation », affirme l’innovateur en chef. Le principal coupable de ce léger retard ? La pénurie de main-d’œuvre.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Pascal Monette, président-directeur général de l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec

La transformation numérique est une bonne partie de la réponse à des enjeux liés aux entreprises, que ce soit le retard de la productivité ou la pénurie de main-d’œuvre.

Pascal Monette, président-directeur général de l’ADRIQ

L’innovation et la transformation numérique sont au cœur de Ferme d’Hiver, finaliste au 32e gala de l’ADRIQ dans les catégories Intelligence artificielle et Transformation numérique. Cette ferme verticale révolutionne les pratiques maraîchères en proposant un environnement contrôlé où la culture de fruits et de légumes peut se faire de façon constante 12 mois par année.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Fraise de Ferme d’Hiver

« L’usage de l’intelligence artificielle permet de contrôler l’espace dans lequel grandissent les plantes de telle sorte que le maraîcher n’a plus à être un urgentologue ; il n’a plus à se dépêcher parce qu’il va neiger, parce qu’il va pleuvoir, etc. Il est capable de prévoir ses quarts de travail, son nombre d’employés, sa supervision, etc. L’intelligence artificielle permet d’enlever des tracas », énumère Yves Daoust, fondateur et chef des technologies de cette PME fondée en 2018.

Les bonnes pratiques

« Il faut que les innovations et la transformation numérique soient incluses dans les plans d’affaires des entreprises », soutient Pascal Monette. « Il faut que ça parte des têtes dirigeantes, il faut que ça soit ancré, qu’il y ait une impulsion des leaders qui se traduit dans le plan stratégique qui est partagé, les gens doivent comprendre vers où ils vont. Il faut casser les silos, il faut que les gens travaillent ensemble, il faut laisser place à la créativité, il ne faut pas avoir peur de l’échec », renchérit-il.

La collaboration est également un ingrédient clé. « L’innovation, c’est aussi tirer profit de tous les savoirs et de tous les talents qu’on a au Québec, que ce soit sur le plan du maraîchage, que ce soit sur le plan de l’intelligence artificielle, de la valorisation des données en génie, mais aussi des collaborations, que ce soient les programmes avec les universités et tout ça », affirme Daphné Mailhot, directrice, commercialisation, marketing et communication, de Ferme d’Hiver.

Le spectre d’un ralentissement économique

L’inflation qui sévit et la récession annoncée pour 2023 pourraient faire mal à l’innovation au Québec. « Un des impacts qui peut arriver solide – et les start-up me le disent –, c’est que les fonds d’investissement, tout à coup, deviennent prudents et attendent », révèle Luc Sirois. Un tel scénario freinerait l’émergence de jeunes pousses innovantes et l’essor d’entreprises innovantes.

« En même temps, c’est un paradoxe parce que les fonds sont capitalisés. Il y a beaucoup de capitaux au Québec, plus qu’ailleurs, et le gouvernement en a mis beaucoup. »

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Luc Sirois, innovateur en chef du Québec

Avec la nouvelle stratégie de recherche et d’investissement en innovation, c’est 600 millions de nouveaux fonds de capitaux de risque qui sont mis à la disposition pour créer des investissements innovants. Donc les capitaux sont là.

Luc Sirois, innovateur en chef du Québec

« Est-ce que les gens vont se comporter rationnellement ou irrationnellement, c’est ça la question », dit l’innovateur en chef.

De son côté, le président-directeur général de l’ADRIQ souligne que les entreprises qui ont déjà des projets dans leurs cartons pourraient tirer avantage d’un certain ralentissement économique : « Un ralentissement, si une entreprise a les reins assez solides, c’est le bon moment d’introduire des changements. »