Pour les détenteurs de fonds communs de placement, les relevés de compte au 30 juin ont sûrement eu l’effet d’une douche froide. Autant les fonds d’actions que plusieurs fonds d’obligations montraient des pertes de 10 % à 20 % pour les six premiers mois de l’année.

Stimulés par des résultats trimestriels des entreprises somme toute assez bons, les marchés allaient fournir pendant le mois et demi suivant une belle remontée permettant aux investisseurs de récupérer environ la moitié de leurs pertes. Mais la reprise s’est avérée éphémère, et le recul des marchés semble vouloir redonner le vertige aux investisseurs. Les Bourses ont repris un mouvement à la baisse, et les marchés obligataires semblent pour leur part en chute libre.

Que peut-on faire ? Le vieil adage dit bien que c’est le moment d’acheter lorsque les marchés sont déprimés. Serions-nous dans cette situation ?

Le moment est plutôt à la prudence, s’empresse de dire Philippe Côté, gestionnaire de portefeuilles, Eterna Groupe Financier. D’abord parce qu’il est généralement impossible de déterminer quel sera le creux des marchés. Les hausses de taux d’intérêt ne sont pas terminées, s’il faut en croire les propos des banquiers centraux qui se montrent plus déterminés que jamais à juguler l’inflation. Comme il faut prévoir de 18 à 24 mois avant que l’effet des hausses de taux se fasse vraiment sentir, il ne semble pas y avoir d’urgence à vouloir profiter des aubaines, croit le gestionnaire. Il suggère plutôt aux investisseurs d’utiliser graduellement leurs liquidités lorsque des baisses de marchés surviendront pour ajouter à leurs positions.

Mais aussi, il ne conseille vraiment pas de vendre en ce moment certaines positions dans le but de racheter plus tard à meilleur prix. Les indices boursiers sont en baisse de 18 % aux États-Unis et de 13 % au Canada cette année.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Philippe Côté, gestionnaire de portefeuilles, Eterna Groupe Financier, appelle à la prudence.

Rien n’assure que nous sommes près du creux, et il serait dangereux de vendre maintenant, étant donné que les marchés se sont déjà beaucoup dépréciés et que rien n’assure que l’on pourra racheter beaucoup plus bas.

Philippe Côté, gestionnaire de portefeuilles, Eterna Groupe Financier

Le gestionnaire d’Eterna perçoit qu’un ralentissement économique s’installe, mais il ne croit pas qu’une récession soit dans les cartes. « En approchant de 2023, des perspectives plus intéressantes devraient apparaître, alors que l’inflation devrait à tout le moins cesser de monter », croit-il. Mais le mot d’ordre pour l’instant demeure néanmoins la prudence, selon lui.

Plusieurs obstacles majeurs

La faiblesse des marchés vient du fait que ceux-ci font face à plusieurs problèmes, explique Guy Côté, gestionnaire de portefeuilles chez Financière Banque Nationale. D’abord, la situation géopolitique a certes été un élément très négatif. L’attaque russe en Ukraine a des conséquences énormes sur le secteur de l’énergie et a fait bondir les prix du pétrole et du gaz naturel. Elle est venue exacerber une inflation dont on perdait déjà le contrôle, conséquence des injections de liquidités par les gouvernements pour éviter que l’économie mondiale tombe en récession à la suite des fermetures causées par la pandémie.

L’inflation se traduit inexorablement par des hausses des taux d’intérêt, rappelle Guy Côté. À ce compte, les banques centrales avaient quelque peu tardé à entamer le cycle de hausses de taux, croyant que cette inflation n’allait être que temporaire. Mais voilà que ces banquiers centraux ont décidé de rattraper le temps perdu en augmentant l’ampleur des dernières hausses de taux. Et ils annoncent que ce n’est pas terminé.

Afin de déterminer le moment où l’on pourra revenir dans le marché avec confiance, il faut qu’apparaissent des signes que l’inflation a été vaincue, croit Guy Côté. Et l’indicateur sera le taux sur les obligations de 10 ans du gouvernement américain. Le rendement de ces titres, qui était de moins de 1 % l’automne dernier, a bondi à plus de 3,5 % récemment.

Tant que l’on n’assistera pas à une baisse du taux de rendement des obligations de 10 ans du gouvernement américain, il est difficile de croire que l’on puisse assister à une reprise à la hausse des marchés boursiers.

Guy Côté, gestionnaire de portefeuilles chez Financière Banque Nationale

S’il est une chose que les effets de la situation actuelle sur les marchés financiers nous ont fait comprendre, c’est que les obligations ne sont plus l’élément que l’on disait sécuritaire dans un portefeuille, explique Daniel Lanteigne, associé principal, Reverber Stratégies financières intégrées. Comme les prix des obligations varient à l’inverse des taux d’intérêt, ceux-ci ont chuté considérablement depuis 10 à 12 mois, et les pertes de valeur étaient d’autant plus grandes que l’échéance de l’obligation était longue.

« Cela implique qu’il faudra que se fasse une sérieuse réflexion sur la place des obligations dans les portefeuilles des particuliers et que de nouvelles solutions de rechange soient développées », dit Daniel Lanteigne. Et l’industrie des fonds communs pourra certainement y contribuer, selon lui.