Déplacer l’hôpital vers la maison, c’est la direction qu’a prise l’entreprise de télémédecine Greybox. Grâce à son application TakeCare, offerte pour les cellulaires et reliée à différents dispositifs médicaux, elle permet aux intervenants en santé de suivre les patients les plus à risque, réduisant ainsi les allers-retours aux urgences. Son nouveau défi ? Exporter son innovation, en commençant par l’Allemagne et les États-Unis.

« Nous venons de conclure une ronde de financement de plusieurs millions et après quatre ans d’études cliniques, nous sommes sur le point de recevoir nos accréditations qui vont nous permettre d’exporter à l’international. Nous sommes vraiment rendus à la dernière étape de commercialisation », explique Pierre Bérubé, propriétaire de l’entreprise fondée en 2013.

Prescrire une application

Si l’entrepreneur est aussi sûr de lui, c’est qu’il a mené des tests en collaboration avec le CHUM et l’Hôpital général juif de Montréal. Les 230 patients ont été choisis parce qu’ils étaient aux prises avec une maladie chronique ou de multiples pathologies. Une fois l’application prescrite par un médecin, la plateforme était connectée à un ou plusieurs dispositifs de suivi comme un glucomètre, un tensiomètre, une balance ou même une montre intelligente.

Ensuite, les données étaient interprétées par une équipe médicale qui tirait la sonnette d’alarme en cas d’anomalies.

La nouveauté, c’est la totale prise en charge et l’interprétation des données par du personnel médical.

Pierre Bérubé, propriétaire de Greybox

« Lorsqu’il y a un problème, le patient sait qu’il y a quelqu’un qui va le contacter pour faire un suivi. Il n’est pas laissé à lui-même et on peut ainsi intervenir plus rapidement », explique l’entrepreneur.

Une adhésion impressionnante

Le grand âge de ces patients (en moyenne plus de 75 ans) et la méconnaissance de la technologie auraient pu être un frein à l’adhésion, mais l’étude clinique a plutôt démontré le contraire. « Souvent, quand les gens commencent à aller mieux, ils ont tendance à délaisser les traitements à la maison. La magie de cette application, c’est son taux d’adhésion à plus de 86 %. Ce qui veut dire que ceux qui étaient suivis entraient leurs données manuellement ou leurs appareils envoyaient les données régulièrement. Ce sont des gens à risque, mais qui ont été proactifs en continuant leur autogestion afin d’éviter de retourner à l’hôpital », constate Pierre Bérubé.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

L’application TakeCare permet aux intervenants en santé de suivre les patients les plus à risque.

Les prochains défis

Après l’exportation de son produit aux États-Unis et en Europe, Pierre Bérubé souhaite créer davantage de liens avec les grands fabricants de dispositifs de santé comme Abbott afin d’avoir un meilleur accès aux données de santé indispensables. « La disponibilité des données est toujours l’enjeu majeur », explique l’homme d’affaires.

Pour ceux qui s’inquiètent de la confidentialité des informations et de l’aspect de la cybersécurité, encore une fois, l’entrepreneur souligne que des sommes colossales ont été investies pour suivre les plus hautes normes de sécurité et de qualité. « Le risque zéro n’existe pas, mais on a investi environ 12 millions pour l’infrastructure afin de respecter les normes internationales. »

Devenir prophète en son pays

Autre pas important à franchir, le déploiement dans tout le réseau de la santé québécois. Le problème ? Il faudrait rembourser les frais d’environ 30 $ par mois par patient. « Ici, contrairement aux États-Unis et à plusieurs pays européens, ce genre de prescription n’est pas remboursée ni par les assureurs ni par le gouvernement. Pourtant, selon nos calculs, chaque dollar investi permet des économies multipliées par 40 et cela exige zéro ressource supplémentaire pour le suivi. »