Les nombreux classements des meilleurs programmes de MBA dans le monde montrent à quel point ils se livrent une concurrence féroce. Celui du Financial Times pour 2022 est sorti à la fin de février. Alors qu’il est largement dominé par les MBA américains, seulement quatre universités canadiennes s’y retrouvent : trois ontariennes et la montréalaise McGill. Pourquoi ?

La dernière rencontre que John-Paul Ferguson, directeur du programme de MBA à l’Université McGill, a eue avec l’équipe du Financial Times pour discuter du classement était en 2020, juste avant la pandémie. Il remarque que ses critères d’évaluation demeurent ceux d’avant la crise financière qui s’est terminée en 2010.

« Avant la crise, la plupart des gens faisaient un MBA pour aller travailler en finance, par exemple dans les banques d’investissement, et les programmes étaient très centrés sur les États-Unis, raconte-t-il. Mais maintenant, plusieurs des étudiants n’ont pas cet objectif en tête. »

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John-Paul Ferguson, directeur du programme de MBA à l’Université McGill

Les deux principaux critères évalués par le classement du Financial Times sont le salaire moyen trois ans après avoir terminé le programme et l’augmentation du salaire comparativement à avant le MBA, chacun étant pondéré à 20 %.

« C’est certain que ces critères nuisent aux MBA canadiens parce qu’il faut considérer le taux de change et le coût de la vie », affirme M. Ferguson.

L’augmentation salariale pour les diplômés du MBA de McGill, qui est au 90e rang dans le classement de 2022, est de 89 %, pour atteindre un salaire moyen de 99 002 $ US. En première place du classement, on trouve l’Université de Pennsylvanie, avec une augmentation de 115 % et un salaire moyen de 237 530 $ US.

Les salaires des diplômés canadiens ont l’air très bas lorsqu’on les compare avec ceux des États-Unis, mais ce n’est pas le cas lorsqu’on considère le coût de la vie ici.

John-Paul Ferguson, directeur du programme de MBA à l’Université McGill

Un projet de vie

Les études sont une bonne porte d’entrée au Canada pour les immigrants. Ainsi, 70 % des étudiants au MBA à McGill viennent de l’extérieur de l’Amérique du Nord.

« La plupart de ces étudiants ont le plan de rester travailler ici au moins pour quelques années, sinon d’immigrer de façon permanente », souligne M. Ferguson.

Bien sûr, ils peuvent finir par décider d’aller travailler en finance. « Mais en changeant de continent, ils entreprennent un projet beaucoup plus grand et complexe que viser une simple augmentation de salaire, ajoute le directeur du MBA. Nous sommes très fiers d’être une destination de choix pour les immigrants, d’autant plus qu’on manque de main-d’œuvre au Québec. »

Les autres critères

Plusieurs autres critères sont regardés pour établir le classement, mais ont moins de poids dans le résultat final. Par exemple, la proportion de diplômés qui ont pu atteindre leurs objectifs en suivant le programme, le pourcentage de femmes dans la faculté et parmi les étudiants du MBA, l’expérience internationale offerte au cours du programme et la proportion d’heures enseignées consacrée aux aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance.

« Nous donnons toujours l’information demandée par le Financial Times, mais nous n’hésitons pas à donner plus que ce qui est demandé pour refléter ce qu’on remarque qui est important pour les étudiants, en espérant que les critères du classement évoluent, indique M. Ferguson. C’est ce qu’on fait d’ailleurs avec tout l’aspect développement durable. »

Ainsi, s’il affirme qu’il est important de figurer dans les classements pour des questions de réputation et de visibilité du programme, il n’irait pas jusqu’à sacrifier des éléments qui permettent à McGill de se distinguer pour tenter de se faufiler plus haut.

On ne réduirait pas, par exemple, notre diversité de profils d’étudiants pour nous concentrer sur des gens qui veulent évoluer dans l’industrie de la finance.

John-Paul Ferguson, directeur du programme de MBA à l’Université McGill

« Les éléments qui nous permettent de nous différencier des autres ne sont pas nécessairement bien saisis dans un classement qui compare ce qu’on retrouve dans tous les programmes. Mais nous voulons que nos étudiants nous choisissent pour nos particularités », précise-t-il.

Le premier programme au Canada à figurer dans le classement est celui de l’Université de Toronto, au 79e rang. Les deux autres universités canadiennes dans le classement sont Western, à London, au 92e rang, et Queen’s, à Kingston, au 99e rang.