Montréal est une plaque tournante de l’intelligence artificielle (IA) avec la présence du Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle. Mais au-delà de la recherche en laboratoire, de plus en plus d’entreprises canadiennes sautent dans l’aventure de l’IA et tentent d’en tirer profit.

Des équipements flambant neufs capables de récolter facilement des données, des caméras et des capteurs installés à différents endroits stratégiques pour collecter d’autres types d’informations : l’usine de papiers sanitaires Kruger a été construite à Sherbrooke en 2019 pour tirer profit des meilleures technologies. Pas moins de 600 millions y ont été investis.

« Nous avons commencé en juin notre grand projet d’intégration de l’intelligence artificielle dans notre chaîne d’approvisionnement, et il s’étendra sur 18 mois », indique Mathieu Laroche, directeur, données, analytique et intelligence artificielle chez Kruger.

Les attentes sont nombreuses.

Selon la prévision de la demande, nous pourrons optimiser l’horaire de production, savoir quels paramètres entrer dans les machines pour que la production atteigne tout de suite la meilleure qualité possible, faire de la maintenance préventive plutôt que réactive, puis éventuellement, nous pourrons aussi gérer les produits finis et le transport.

Mathieu Laroche, directeur, données, analytique et intelligence artificielle chez Kruger

D’après lui, si ces améliorations avaient été réalisées chez Kruger avant le début de la pandémie, elles auraient permis à l’entreprise d’être beaucoup mieux positionnée pour faire face à la hausse fulgurante et soudaine de la demande de papier de toilette au Québec !

PHOTO MAXIME PICARD, LA TRIBUNE

L'usine Kruger de Sherbrooke est un bon terrain de jeu pour commencer à utiliser l’intelligence artificielle.

En ce moment, la nouvelle usine de Sherbrooke est un bon terrain de jeu pour commencer à utiliser l’intelligence artificielle, mais Kruger ne compte pas s’arrêter là.

« Nous apprendrons beaucoup à Sherbrooke, nous verrons quelles sont les améliorations qu’on peut réaliser grâce à l’intelligence artificielle qui valent vraiment la peine et ensuite, nous pourrons les déployer sur d’autres sites », explique M. Laroche.

Le Québec prend le virage

Comme Kruger, de plus en plus d’entreprises au pays comprennent maintenant l’intérêt de l’IA pour gagner en efficacité. Jean-François Plante, professeur spécialisé en intelligence artificielle appliquée à HEC Montréal est bien placé pour le voir. Il donne la formation « Le big data et l’intelligence artificielle (IA) : des actifs stratégiques pour votre entreprise » à L’École des dirigeants et constate une grande évolution dans le niveau de connaissances des participants.

Si on recule de deux ans, les dirigeants se demandaient encore ce qu’était l’IA et ce qu’ils pouvaient faire avec les données. Maintenant, ils ont souvent déjà fait quelques formations dans le domaine, ils ont des idées et ils ont lancé des projets.

Jean-François Plante, professeur spécialisé en intelligence artificielle appliquée à HEC Montréal

De 20 à 30 % des entreprises canadiennes ont activement testé l’IA, d’après Julien Billot, président-directeur général de Scale IA, la supergrappe d’innovation canadienne consacrée à l’amélioration de la chaîne d’approvisionnement par l’AI. « Ce n’est pas mal, mais c’est beaucoup moins qu’aux États-Unis et en Chine, où environ la moitié des entreprises l’ont activement testée », précise-t-il.

Le Québec se distingue toutefois au pays. « Nous sommes en discussion actuellement avec une centaine d’entreprises pour réaliser des projets et la moitié environ sont au Québec », indique le PDG de Scale AI qui a son siège social à Montréal.

Faire ses devoirs

Investir en IA demande toutefois de la réflexion et du travail en amont pour obtenir des résultats intéressants. « L’idée, ce n’est pas d’acheter des gadgets, mais de répondre à des besoins d’affaires, affirme M. Billot. Nous discutons d’ailleurs beaucoup avec la direction des différentes entreprises pour améliorer leurs projets. C’est un travail collaboratif et les solutions développées sont sur mesure. »

Actuellement, Scale AI soutient une quarantaine de projets au Canada d’une valeur totale en investissement de près de 300 millions de dollars.

« Elles sont dans tous les secteurs, du commerce de détail au transport, en passant par la santé et l’énergie, énumère M. Billot. Les types d’usage sont aussi très variés, de la prévision de la demande à l’optimisation de l’entreposage. »

Il remarque toutefois que ces entreprises ont une chose en commun : un leader visionnaire qui décide d’investir dans le domaine.

Et une fois qu’une entreprise se distingue dans une industrie en intégrant l’intelligence artificielle, elle incite les autres à faire la même chose. Ainsi, on voit un effet d’entraînement qui tire les entreprises vers le haut.

Julien Billot, président-directeur général de Scale IA

La vie est de plus en plus numérique et le professeur Plante est convaincu que cela n’est pas appelé à changer.

« Les outils en IA se sont beaucoup démocratisés et si la compétition peut s’en servir, c’est certain qu’on se nuit comme entreprise si on ne se donne pas la peine d’analyser leur pertinence, affirme-t-il. Il ne faut pas faire de l’IA pour faire de l’IA, mais comprendre comment les outils disponibles peuvent rendre l’entreprise plus efficace, plus rentable et lui permettre d’atteindre le prochain niveau. »

En savoir plus
  • Pôle de recherche mondial
    L’Université McGill et l’Université de Montréal comptent plus de 250 chercheurs et doctorants dans des domaines liés à l’intelligence artificielle, soit la plus grande communauté universitaire en intelligence artificielle au monde.
    Investissement Québec