Annoncées en 2020 par le gouvernement Legault, les zones d’innovation, qui favoriseront la collaboration entre recherche et entreprises, se font attendre. Mais ce n’est pas faute d’intérêt : une trentaine de projets ont déjà été déposés. Québec devrait d’ailleurs donner le feu vert aux premières zones d’ici la fin de l’année.

En entrevue avec La Presse, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, rappelle la genèse de ce projet qu’il espère porteur. « On veut réduire l’écart de richesse que le Québec a avec ses voisins, autant à l’ouest qu’au sud. Pour y arriver, il faut avoir une main-d’œuvre qualifiée. Il faut aussi innover et être plus productif. Le modèle de la zone d’innovation nous permettra d’atteindre cet objectif plus rapidement », soutient-il.

Avec ces zones d’innovation, Québec veut unir en un seul endroit, et sur une base thématique, les milieux de l’enseignement et de la recherche, l’industrie, les jeunes pousses et les grands donneurs d’ordres. « Tout ça dans une ambition internationale. On veut devenir des champions mondiaux », précise le ministre.

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Pascal Monette, président-directeur général de l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec

Les secteurs bien implantés au Québec, comme l’aérospatiale ou la santé, sont tout indiqués pour former une de ces zones, mais des secteurs émergents, comme les technologies vertes, pourraient y faire leur place. « Il faut un terreau à la base, une certaine expertise », estime toutefois Pascal Monette, président-directeur général de l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec (ADRIQ).

L’idée suscite de l’intérêt. Jusqu’à présent, le Ministère a reçu 30 demandes réparties dans 13 régions du Québec, et d’autres sont encore à venir.

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Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation

J’ai bon espoir qu’on en annoncera deux d’ici Noël et quelques autres au cours du premier semestre de 2022. C’est important de noter que ce n’est pas une course, c’est un projet de société.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation

Un concept éprouvé

L’appellation peut varier, mais le concept de zone d’innovation n’est pas nouveau. « Hambourg, en Allemagne, et Wichita, aux États-Unis, comptent des zones du genre très performantes, respectivement en fibre optique et en aérospatiale. Ce sont des modèles dont on s’inspire », illustre Pierre Fitzgibbon, qui aimerait que le nombre de jeunes pousses en technologie augmente au Québec.

« J’ai eu l’occasion de visiter Kendall Square, qui se trouve derrière le MIT [Massachusetts Institute of Technology], à Boston. La communauté en biopharmaceutique regroupe des chercheurs de renom de l’Institut, des incubateurs, des lieux d’échange pour les étudiants et des services pour les entreprises. La collaboration des différentes ressources dans un lieu physique accélère l’innovation », souligne pour sa part Pascal Monette.

L’innovateur en chef du Québec donne de son côté deux exemples européens. « À Paris, ils ont déménagé une université au complet en banlieue. Même chose en banlieue de Berlin, avec le quartier de microélectronique. C’est fou ! Ils ont pensé aux transports en commun et à tous les éléments pour que ça devienne des cités d’innovation et que les gens aient le goût d’être là », dit Luc Sirois.

La clé du succès

Pour ce dernier, la recette d’une zone d’innovation gagnante comporte plusieurs ingrédients. Celle-ci doit rassembler des entreprises proactives, comprendre une université sur place, offrir des occasions de connexion avec le milieu créatif qui voit les choses autrement, organiser des évènements, réaliser des projets, se baser sur un manifeste clair et offrir une plateforme d’information agissant comme un répertoire.

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Luc Sirois, Innovateur en chef du Québec

Une zone d’innovation devrait faire émerger de nouvelles idées, des expertises et des solutions qui ne se seraient pas concrétisées autrement. Ce n’est pas un parc industriel. C’est un véritable milieu de vie où chercheurs et entrepreneurs se croisent et travaillent ensemble. Ça devient plus important que jamais après la pandémie.

Luc Sirois, Innovateur en chef du Québec

L’ADRIQ a dressé une liste des 10 éléments d’une zone d’innovation réussie. On estime entre autres que le succès repose sur un petit nombre d’individus clés qui créent des liens entre la science et l’innovation. Le recrutement et la rétention de chercheurs de renommée internationale s’avèrent aussi essentiels, tout comme l’accès à des ressources pour aider la commercialisation de l’innovation.

« Dès le départ, il faut absolument développer des bases d’indicateurs pour mesurer le succès des zones d’innovation, ajoute Pascal Monette. Il faut aussi leur donner du temps. La stabilité des politiques publiques et la pérennité du financement sont les autres conditions bien importantes. »