Notre monde étant de plus en plus branché et numérisé, la cybersécurité est plus que jamais un enjeu. Dans la foulée, une équipe de chercheurs de l’INRS, à Varennes, travaille actuellement sur deux projets en communication quantique et en cryptographie quantique. Autrement dit, la sécurité de nos échanges virtuels pourrait bientôt ne plus être basée exclusivement sur les mathématiques, mais plutôt sur la physique. Compte rendu.

Ce qui, autrefois, semblait relever de la science-fiction avant de prendre la forme de recherche fondamentale est désormais à nos portes. Les technologies quantiques qui, pour les initiés, regroupent superposition ou intrication d’objets devraient être omniprésentes dans nos vies au cours de la prochaine décennie.

Selon Yoann Jestin, docteur en sciences et associé de recherche à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), les technologies quantiques sont la solution pour contrer le piratage ou le vol de données. Et ce le sera davantage, car d’ici de cinq à dix ans, croit-il, les ordinateurs quantiques (beaucoup plus puissants que ceux que nous connaissons actuellement) devraient commencer à être accessibles.

Habituellement, nos communications sont cryptées et décryptées. C’est mathématique. La technologie quantique repose plutôt sur la physique. Elle permet le transit d’informations par fibre optique avec une plus grande sécurité. Si ce signal est intercepté, il s’en rend compte et la communication est automatiquement interrompue et donc protégée.

Yoann Jestin, docteur en sciences et associé de recherche à l’INRS

Yoann Jestin travaille sous la supervision du professeur Roberto Morandotti, qui a récemment reçu près de 1 million de dollars de diverses instances (Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, gouvernement du Québec, etc.) pour mener ses travaux.

La communication quantique et la cryptographie quantique seraient déjà utilisées dans le monde, indique M. Jestin, mais à petite échelle et principalement dans les secteurs gouvernementaux, bancaires, voire militaires.

Yoann Jestin a d’ailleurs fondé la jeune pousse Technologies Ki3 Photonics. Cette PME propose des solutions photoniques pour la manipulation de signaux quantiques.

Concepts flous

Aussi séduisantes soient-elles, la communication quantique et la cryptographie quantique demeurent des concepts flous, soutient le professeur Morandotti. « C’est encore très abstrait pour les entreprises, dit-il. Les gens ne se sentent pas interpellés. Il y a toute une éducation à faire. »

Pour les férus, l’informatique utilisant les technologies quantiques ne repose plus sur le « bit », mais sur le « qubit ». La japonaise Toshiba y porte un grand intérêt.

Le premier projet de recherche de Roberto Morandotti, intitulé Connectorizing Integrated Quantum Photonics Devices, s’intéresse aux réseaux de communication quantique. Ceux-ci sont composés de nœuds locaux. Ces points de connexion génèrent des photons qui servent au transport de l’information. Les propriétés quantiques de ces particules de lumière leur permettent de voyager sur de longues distances à travers une fibre optique entre les nœuds locaux.

Le second projet, connu sous le titre Development of Highly Efficient, Portable, and Fiber-Integrated Photonic Platforms Based on Micro-Resonator, s’intéresse à la cryptographie quantique, une technologie à laquelle est associé le nom du Montréalais Gilles Brassard. Celle-ci repose sur les caractéristiques quantiques des photons. La distribution quantique de clés empêche l’interception ou la copie des photons d’information, et permet de sécuriser les communications.

Inquiets de voir de nouvelles tours pousser pour la mise en place d’un nouveau type de réseau de communication ? « L’idée, c’est d’avoir quelque chose d’hybride qui utilisera les installations déjà en place », espère Yoann Jestin.