Bien que les banques prennent une place de plus en plus grande dans l’offre de services en gestion de portefeuille, bâtir un portefeuille en sélectionnant avec minutie de 20 à 25 entreprises est, selon certains gestionnaires, la meilleure façon de faire fructifier son capital.

Cette approche permet de générer de bons rendements, facilite la gestion du risque et offre l’occasion de surpasser les indices de référence en évitant d’acheter les titres de l’indice de moins bonne qualité, explique François Rochon, président et gestionnaire de portefeuille de Giverny Capital.

« À la base, il faut avoir une approche rationnelle et être capable de transcender la cote boursière », dit-il. Il y a souvent une grosse différence entre celle-ci et la valeur intrinsèque d’une entreprise. « Nous essayons de profiter de ces disparités », dit François Rochon. Elles surviennent lorsque la perception des investisseurs est mauvaise. « Ceux-ci se collent parfois aux nouvelles du jour et oublient les facteurs fondamentaux qui déterminent la réelle valeur d’un titre », dit-il.

Les critères de sélection de titres chez Giverny sont les suivants : l’entreprise doit réaliser des bénéfices sur une base continue, ne pas trop être touchée par les facteurs cycliques, jouir d’un avantage concurrentiel et profiter d’un bureau de direction dont la compétence est reconnue et dont les membres ne sont pas rémunérés outrageusement.

Cet ensemble de critères de sélection n’élimine pas nécessairement les géants misant d’abord sur une forte croissance.

Depuis 2018, Giverny Capital détient des actions de Facebook, par exemple. Les autorités réglementaires reprochent bien des choses à cette entreprise, entre autres les risques concernant la sécurité des informations personnelles de ses clients. Mais les facteurs économiques favorables surpassent de beaucoup les inconvénients.

« C’est une entreprise qui n’a pas d’équivalent », dit François Rochon. Ses clients sont fidèles, car ça ne coûte rien. Et elle offre aux annonceurs un bassin de clientèle gigantesque. « Pas de dette, une position dominante, une direction et une comptabilité prudentes, tous des facteurs qui la qualifient pour faire partie du portefeuille », dit M. Rochon.

Quand la volatilité devient un atout

Gérant également un portefeuille d’environ 20 titres, Philippe Hynes, président de Tonus Capital, avoue que son portefeuille peut être plus volatil qu’un indice boursier. Mais c’est un avantage, selon lui. « C’est lors des marchés baissiers que la sélection de titres peut vraiment tirer son épingle du jeu », dit-il. Au cours des périodes de recul, on ne sait pas quand la Bourse touchera le creux, mais pour une entreprise, il existe des critères qui nous permettent d’estimer ce que sera son plancher, selon lui.

Parmi les choix de Philippe Hynes, on retrouve Marché Goodfood. « La gestion des deux fondateurs de l’entreprise a été exceptionnelle », dit-il. La pandémie a créé l’occasion, bien sûr, mais les bases de l’entreprise étaient bien établies et l’exécution a été excellente, selon lui. Il se réjouit que les deux fondateurs soient toujours bien présents dans l’entreprise, contrôlant chacun 15 % des actions. Leurs produits sont maintenant présents sur les étagères des épiceries. Le potentiel de croissance est très grand, estime Philippe Hynes.

Alimentation Couche-Tard fait maintenant partie du portefeuille de Tonus Capital. Le titre a été malmené récemment à la suite de l’annonce de l’intention de la direction de faire l’acquisition de la chaîne de supermarchés française Carrefour. Philippe Hynes a donc profité d’un recul de 15 % du cours de l’action pour acheter. « La feuille de route de Couche-Tard quant à sa croissance par acquisitions est très bonne », dit-il. Il s’agit d’un bel exemple d’un investissement opportun pour le gestionnaire qui dit ne faire que sept ou huit transactions par année.

De bons plans à long terme

C’est en s’assurant de bien connaître les enjeux du secteur dans lequel elles exercent leurs activités et en ciblant celles qui ont un bon plan à long terme que Jean Duguay, directeur des placements chez Eterna Groupe Financier, sélectionne la vingtaine d’entreprises dont les titres qui feront partie de son portefeuille.

Une évaluation exhaustive de l’entreprise tenant compte, en plus de critères financiers, de la thématique de l’entreprise, des facteurs-clés de sa réussite, de la taille de son marché, de sa pénétration et des barrières à l’entrée, de sa direction et de son actionnariat, ainsi que de ses critères ESG (environnement, société, gouvernance) conduira à la sélection des entreprises cibles. « Et lorsque le prix est bon, on achète », dit Jean Duguay. Il ne tente pas de prédire les soubresauts des marchés et de l’économie, car les investissements se font en fonction de perspectives à long terme.