De plus en plus de femmes se lancent en affaires ou occupent des postes de direction. Une bonne nouvelle, mais cette percée a encore besoin d’un coup de pouce, afin de permettre aux femmes d’affaires de conquérir de nouveaux marchés et de développer leurs réseaux de collaboration. Explications.

Lorsqu’elle a démarré son entreprise Cycle environnement, il y a 15 ans, Marlène Hutchinson ne comprenait pas pourquoi, malgré son expertise, tant de contrats lui échappaient. « Je pensais que c’était parce que j’étais jeune, raconte-t-elle. Je me suis aperçue avec le temps qu’il y avait deux facteurs : j’étais jeune et j’étais une femme. » Le milieu municipal, qui était le principal marché pour son service de consultation en gestion des matières résiduelles, demeurait à ce moment-là très masculin.

Sa PME a bien évolué depuis. Aujourd’hui, elle fournit des services en écofiscalité, aide les entreprises à déclarer leurs écofrais et planifie de lancer un logiciel dans les prochains mois. Dans les dernières années, elle a obtenu plusieurs contrats, dont certains auprès de grands donneurs d’ordres.

Impliquée depuis seulement deux ans dans le Réseau des femmes d’affaires du Québec (RFAQ), elle a demandé une certification accordée par WE Connect International – une association à but non lucratif née aux États-Unis – aux entreprises à propriété féminine. Cette certification lui a ouvert les portes de foires commerciales et permis de faire des rencontres avec des multinationales afin de présenter ses services. « Cela m’a permis d’agrandir mon réseau rapidement », soulève-t-elle.

Ekaterina Turkina, professeure agrégée au département d’entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal, croit justement qu’il manque des programmes cohérents pour aider les femmes entrepreneures à trouver des marchés et des collaborateurs internationaux.

Elle se réjouit du nombre croissant de jeunes femmes se lançant en affaire au Québec, alors que près de 43 % des entrepreneurs de 18 à 34 ans sont des femmes selon l’Indice entrepreneurial de 2017.

Encore des murs dans le secteur techno

Néanmoins, dans les recherches qu’elle mène actuellement sur la place des femmes entrepreneures dans les secteurs technologiques, elle remarque un problème. « Quand on analyse les réseaux de collaboration, on voit que pour les femmes, c’est plus difficile de s’inscrire dans des réseaux internationaux », souligne-t-elle. Et cela ne serait pas lié à la qualité de leur produit ou service : elle observe que si les hommes demandent plus de brevets, ceux détenus par des femmes se révèlent généralement plus originaux. « On constate qu’elles sont très marginalisées et défavorisées par rapport aux hommes quand vient le temps de s’intégrer dans les réseaux d’innovation et d’entrepreneuriat. »

Ruth Vachon, présidente-directrice générale du RFAQ, constate que plusieurs organisations soutiennent les femmes entrepreneures pour leur permettre d’accéder à du financement ou à des postes de direction, mais peu les aident à accéder à des marchés.

Le jour où les femmes entrepreneures vont arriver devant leur banquier les poches pleines de contrats, on ne parlera plus d’avoir un financement à part.

Ruth Vachon, présidente-directrice générale du Réseau des femmes d’affaires du Québec (RFAQ)

En février dernier, le RFAQ et la Caisse de dépôt et placement du Québec ont annoncé la mise sur pied d’une base de données. Par son entremise, les grands donneurs d’ordres peuvent communiquer directement avec des entreprises à propriété féminine dans le cadre d’appels d’offres.

Un sondage, mené l’été dernier par EY et la RFAQ auprès de 484 femmes entrepreneures du pays, dévoile que l’accroissement de la clientèle demeurait une priorité pour près de 80 % d’entre elles.

Aux États-Unis, certains avantages fiscaux sont accordés aux entreprises qui s’approvisionnent auprès de PME dirigées par des femmes. Pour cette raison, « des entreprises américaines cherchent activement à faire affaire avec des entreprises à propriété féminine », souligne Marlène Hutchinson. Rien de tel au Canada. Néanmoins, le gouvernement fédéral s’est engagé dans son budget 2018 à faire passer de 10 à 15 % la proportion des entreprises dirigées par des femmes parmi les PME auprès desquelles il s’approvisionne.

Prix femmes d’affaires du Québec 2020

Le Réseau des femmes d’affaires du Québec tient mardi son 20e gala annuel pour honorer les Québécoises qui s’illustrent dans le monde des affaires. COVID-19 oblige, le gala se tiendra cette année en version virtuelle.

> Consultez la liste des finalistes de l’édition 2020