Huit rencontres avec des gens d'affaires qui se dépassent et font autrement, souvent dans des sphères extérieures à leur champ d'activités principal. Simplement pour accomplir quelque chose de plus. Pour eux, pour d'autres, pour nous tous.

Tout est engagement, chez Dominique Anglade. À commencer par son sourire engageant - la première chose qui frappe, chez la présidente de Montréal International.

L'étendue et la profondeur de cet engagement lui ont d'ailleurs valu d'être nommée au rang des Jeunes leaders mondiaux 2014, en mars dernier, au Forum économique de Davos.

«Ce qui me motive d'abord et avant tout, dit-elle, c'est ma capacité à avoir un impact dans la société.»

Impact : un mot qui reviendra souvent, parce qu'il concrétise cet engagement.

C'est un héritage familial, en quelque sorte...

«Mes parents ont eu un impact fondamental dans la personne que je suis, confie-t-elle. Dans la vie d'un individu, il y a malheureusement deux facteurs qui déterminent son succès : le pays dans lequel il est né et ses parents. Je dis malheureusement, parce que c'est une loterie. On est chanceux d'avoir de bons parents ou de naître dans un bon pays, et ça a été mon cas.»

Elle aurait pu naître ailleurs : elle est venue au monde à Montréal en 1974, de parents haïtiens. Tous deux détenteurs de doctorats, ils avaient étudié en France avant de s'établir au Québec dans les années 60, fuyant le régime Duvalier.

«Je pense que l'influence de mes origines a un impact sur ma motivation et ma capacité à m'engager, indique la femme de 40 ans. J'ai vécu trois ans en Haïti à une époque critique pour deux raisons.

Critique parce que c'était mon adolescence, entre 14 et 17 ans, mais critique également parce que le peuple haïtien sortait de la dictature.»

Les événements l'ont d'autant plus marqués que ses parents ont eux-mêmes participé au renouveau démocratique.

Ses parents lui ont également inculqué l'importance de l'éducation. «Dès l'âge de 15 ans, j'ai su que j'allais faire génie industriel à Polytechnique, raconte-t-elle. Je trouvais que dans le génie, il y avait quelque chose de concret et après quatre ans, j'allais pouvoir faire quelque chose de mes mains et avoir un impact.» Fidèle à ses antécédents familiaux, elle sera présidente de l'association des étudiants de Polytechnique.

Mais il faudra longtemps à ses parents pour comprendre pourquoi Dominique ne poursuivait pas ses études au doctorat...

 Bien campée

En 2009, revenue à Montréal après avoir travaillé pour diverses entreprises multinationales, elle avait cherché une autre manière de faire oeuvre utile. «Je me suis dit pourquoi pas Haïti?»

Le séisme de janvier 2010, où meurent son père et sa mère, n'a pu que confirmer ce choix. «Je pense que mes parents auraient souhaité que l'on prenne acte de la situation et qu'on l'on poursuive notre chemin et c'est ce que ma soeur et moi avons tâché de faire au mieux de nos capacités.» 

Avec Régine Chassagne, du groupe Arcade Fire, Dominique lance en juillet 2010 la Fondation Kanpe - un mot créole qui signifie «se tenir debout».

Son objectif est d'aider les petites communautés à s'extraire de la misère et atteindre l'autonomie financière.

Dans la localité de Baille Tourible, Kanpe a ainsi accompagné 331 familles.

«C'est extraordinaire de voir ça!, s'exclame Dominique Anglade. Quand j'étais en Haïti, j'ai demandé à quelqu'un si Kanpe avait fait une différence dans sa vie, et elle m'a dit : «Avant, il y avait le Bon Dieu, maintenant, il y a Kanpe». Ça a fait ma décennie! 

 Politique familiale...

Toujours en 2009, on a proposé à Dominique la présidence de la Coalition avenir Québec. «La politique fait partie de mes gènes, dit-elle. Mon arrière-grand-père était un sénateur en Haïti, mon grand-père a été un élu, mon père a été ministre.»

Elle posera sa candidature dans la circonscription de Fabre aux élections de septembre 2012. Sans succès. «Je n'aime pas perdre», reconnaît-elle.

Un an plus tard, elle acceptait la présidence de Montréal International. «Ce que je trouvais extrêmement intéressant, c'était de pouvoir combiner l'aspect international qui m'a toujours motivé d'un point de vue professionnel, l'aspect plus politique, et le milieu des affaires, dans lequel j'ai toujours évolué.»

Au dernier étage du Centre de commerce mondial, son bureau donne sur la cour intérieure. Sous la verrière, son petit balcon surplombe l'atrium, comme un fragment d'Haïti perpétuellement protégé de la neige.

Ses parents ont eu une influence déterminante sur ce parcours, insiste-t-elle.

«Je suis fière des parents que j'ai eus et j'aimerais leur ressembler, j'aimerais que mes enfants aient d'aussi bons parents que j'en ai eu.»

Un voeu qui est aussi un engagement. Un de plus.

Jeune leader mondiale

Le 11 mars dernier, Dominique Anglade était au nombre des 214 nouveaux Jeunes leaders mondiaux nommés au Forum économique mondial de Davos. Elle était la seule Québécoise parmi les six Canadiens de cette cohorte 2014, et elle devenait la première femme du Québec à recevoir cet honneur.

Kanpe à Baille Tourible

- 331 familles accompagnées

- 22 600 visites d'accompagnateurs depuis 2010

- 1 500 animaux d'élevage fournis aux familles

- Allocation à 13 écoles pour la scolarisation de 900 enfants

- Clinique médicale ouverte sept jours sur sept



Source: Fondation Kanpe