La guerre des prix que se livrent Amazon, Google et Microsoft a fait chuter les tarifs de l'infonuagique. De plus modestes hébergeurs, qui ne peuvent les compétitionner, délaissent le stockage de données pour se réorienter vers les services infonuagiques.

«Au cours des dernières années, les gros acteurs ont déployé des conteneurs entiers de systèmes informatiques équipés de milliers de serveurs. Des entreprises comme la nôtre, qui développaient le même genre de services, mais à une plus petite échelle, ne pouvaient proposer des tarifs aussi bas», explique Matthieu Demoore, responsable du marketing chez Linkbynet.

L'entreprise française, aujourd'hui spécialisée en infogérance, hébergeait des données en mode infonuagique depuis 2006. Confrontée au rouleau compresseur des géants, elle n'a eu d'autre choix que de réajuster le tir. «Même si nous étions un pionnier dans le secteur, il a fallu se poser une question: comment anticipons-nous l'avenir dans ce qui sera de toute évidence une bataille financière?»

En 2012, Lynkbynet a peu à peu délaissé l'hébergement pour se concentrer sur des services d'infogérance. L'entreprise présente à Montréal - dont le chiffre d'affaires gravite autour de 50 millions de dollars - accompagne maintenant les entreprises qui font le saut en infonuagique. «Nous pouvons être perçus comme des courtiers spécialisés en infonuagique», résume M. Demoore.

Guerre des tarifs

La guerre des tarifs en infonuagique s'est intensifiée au cours des derniers mois. Google a diminué les siens de 32 à 85%, selon les services proposés, à la fin du mois de mars. Deux jours plus tard, Amazon Web Service répliquait en réduisant ses tarifs de 27 à 65%. Une semaine plus tard, c'était au tour de Microsoft d'annoncer une réduction de ses tarifs de 27 à 65%.

Pierre Tocci est spécialiste en infonuagique chez Novipro, une entreprise montréalaise qui a également opté pour les services infonuagiques. «Il y a trois ans, nous avons décidé de ne pas embarquer dans le même créneau des grands fournisseurs, soit l'hébergement, mais de rester au niveau de la dotation des services en infonuagique», précise-t-il.

«Les géants ont une capacité d'écraser la concurrence. Les plus petites entreprises n'ont pas les reins assez solides et assez de capitaux pour suivre les baisses de tarifs. Il y aura une sorte d'épuration», ajoute-t-il.

Par ailleurs, d'autres font le pari de les concurrencer. C'est le cas de SherWeb, une entreprise de Sherbrooke qui dessert quelque 20 000 entreprises dans plus de 100 pays. «Je ne suis pas en accord avec l'idée qu'il faille nécessairement se repositionner et délaisser l'hébergement», estime Guillaume Boisvert, gestionnaire de produits chez SherWeb.

Pour se différencier, SherWeb mise sur des services personnalisés accompagnant l'hébergement. «Nous avons une équipe vouée à la migration des entreprises vers l'infonuagique. Nos clients peuvent nous joindre à n'importe quelle heure de la journée et nous développons des solutions adaptées à leurs réalités.»

Guillaume Boisvert concède qu'une consolidation par l'entremise d'acquisitions et de fusions est à prévoir. En 2011, SherWeb faisait l'acquisition de DNAmail, une division de DSL Extreme. En novembre dernier, elle mettait la main sur Thoughtbus, une société américaine qui offre des solutions Microsoft comme Exchange, SharePoint, Lync Server et CRM.

Le marché de l'infonuagique d'ici 2020

Le marché de l'infonuagique public devrait tripler d'ici 2020, selon une étude de la firme américaine de recherches Forrester, publiée en avril dernier. Sa valeur, actuellement de 58 milliards de dollars, devrait atteindre 191 milliards au cours des six prochaines années. Les applications infonuagiques serviront de moteur à ce développement, totalisant à elles seules 133 milliards en 2020. Les plateformes infonuagiques représenteront 44 milliards, alors que l'industrie des services représentera 14 milliards, selon Forrester.