Une nouvelle façon de faire apparaît quand vient le temps de tester une molécule auprès des patients. Gerald Batist, cofondateur du Consortium de recherche en oncologie clinique du Québec, et Thérèse Gagnon-Kruger, PDG du Centre d'Excellence Recherche PreThera, nous expliquent cette tendance.

Q- Dans l'avenir, Dr Batist, est-ce que tous les nouveaux médicaments seront encore testés sur des patients par des sociétés pharmaceutiques?

R- «Pas nécessairement. On verra de plus en plus les cliniciens, les médecins eux-mêmes, initier des tests cliniques. Par exemple, notre consortium de recherche mène actuellement une étude en cancer qu'il a lui-même conçue, de A à Z. Et le consortium est fondamentalement un groupe de cliniciens et de chercheurs.»

Q- En quoi consiste cette étude?

R- «Les médecins constatent qu'après traitement de leur cancer, beaucoup de patients rechutent parce que la tumeur devient résistante au traitement. Dans cette étude, nous demandons donc aux nouveaux patients de nous permettre de faire une biopsie de leur tumeur avant le traitement. Quatre-vingts patients québécois sont actuellement enrôlés dans cette étude. Nous les traitons et, s'il se développe une résistance, nous faisons une autre biopsie pour comparer la tumeur avant et après rechute. Nos pathologistes moléculaires recherchent l'agent moléculaire de la résistance, apparu dans la tumeur après le début du traitement et qui n'apparaît pas avant.»

Q- Que peut-on faire si on découvre cet agent?

R- «Nous allons livrer cet agent moléculaire responsable de la résistance à nos alliés pharmaceutiques: Sanofi, Pfizer, Novartis etc., pour qu'ils recherchent le moyen de le neutraliser.»

Q- On ne peut donc rien faire pour les patients qui rechutent?

R- «C'est faux. Nous avons identifié un médicament qui existe déjà et qui est utilisé ordinairement à d'autres fins que le traitement des cancers qui nous intéressent. Sur nos 80 patients, quelques-uns ont répondu positivement à ce médicament et quatre ont guéri! Si nous pouvons trouver une signature moléculaire propre à ceux qui réagiraient bien à ce médicament, nous le leur donnerions dès le début du traitement.»

Q- Dre Gagnon-Kruger, en janvier, vous deveniez la première PDG de PreThera. Ce centre de recherche sollicite l'aide des patients pour bâtir les études cliniques de l'avenir. Comment?

R- «Nous complétons le travail de Consortium de recherche en oncologie clinique du Québec, nous sommes complémentaires. Nous voulons suivre les patients cancéreux canadiens jusqu'en fin de vie. Avec leur autorisation, nous recueillons des échantillons sanguins ou tissulaires pour analyses très poussées. Nous voulons inventorier le plus de variantes possible des cancers et chercher éventuellement le médicament précis qui aura du succès auprès de chaque variante. Les données scientifiques et cliniques seront concentrées dans une immense base de données. Et ce qu'il y a de nouveau, c'est que ces précieuses données cliniques seront accessibles aux médecins traitants et aux pharmaceutiques. C'est donc un vaste programme de décentralisation des données cliniques qui s'amorce.»

Q- Les données relatives aux patients seront donc offertes à tous?

R- «Non, bien sûr. Nous respectons un code très strict de protection de la confidentialité des données.»