Hors du Canada, les coopératives prennent une couleur locale. Au Village de l'espoir de Limbé, un peu à l'est de Cap-Haïtien, les enfants d'une école primaire ont fondé une coopérative d'élevage sous l'acronyme KTVE (Kopérative Timoun [enfants] du Village de l'espoir).

Pour apprendre le sens des responsabilités, en plus de participer aux activités de la coopérative supervisée par des adultes, les enfants doivent élever une chèvre.

Cette action concrète amène, entre autres, l'enfant à développer son sens de l'organisation et à gérer des conflits pour en arriver à gérer sa propre vie.

La coopérative a été fondée le 20 juillet 2009 grâce à la collaboration de l'ONG de Québec l'AMIE (l'Aide internationale à l'enfance). Le 15 octobre, ça fera trois ans que les enfants prennent soin de leur chèvre. Et plusieurs chevrettes sont nées et ont été confiées à d'autres enfants.

Pour avoir droit de s'occuper de leur chèvre, les enfants doivent être membres de la KTVE et payer une petite cotisation. Ils doivent suivre une formation et se conformer aux instructions de l'agronome. Si la chèvre est malade, ils doivent savoir donner les premiers soins et en parler avec le vétérinaire lors de la visite mensuelle.

Est-ce difficile de s'occuper d'une chèvre, avons-nous demandé lors de notre passage dans le village de Limbé? «Non», ont répondu les enfants en choeur.

Et comment fait-on pour bien s'en occuper? L'un explique que c'est de l'attacher dans un endroit fiable où il y a du bon fourrage. Une chèvre en liberté dans le jardin d'un voisin se fera couper la tête en mangeant ce qui ne lui appartient pas.

Chaque mois, l'enfant amène sa chèvre à l'école où Rémy Jean, l'agronome du projet, vérifie les progrès de croissance de chaque animal. Si un enfant ne prend pas bien soin de son animal, on lui en retire la garde jusqu'à ce qu'il démontre sa capacité à s'en occuper correctement. Après avoir donné deux petits à la coopérative, la chèvre devient la propriété de l'enfant qui pourra la faire accoupler pour quelques gourdes (monnaie locale) à l'un des boucs de la coopérative et ainsi continuer le cycle.

La chèvre devient donc une forme de compte en banque rapportant des intérêts avec ses gestations. Les chevreaux élevés pour la vente valent environ 5000 gourdes, ou 125 $. Cela servira à payer les études et à aider la famille dans l'apprentissage de la prise de responsabilités.

D'autres coopératives

Avec l'aide d'organisations québécoises, le modèle coopératif fait des petits dans la région de Limbé depuis 2009, racontait ce printemps Elvie Maxineau, fondatrice et coordonnatrice du Village de l'espoir de Limbé. «Les enfants peuvent manquer une journée de classe, disait-elle, mais jamais une activité de la coopérative.»

Outre la coopérative KTVE, deux autres organisations du genre ont vu le jour : la coopérative des Timoun garde-champêtre, comptant 25 jeunes, et celle de Massabiel en formation.

Deux coopératives de couture regroupant une quarantaine d'enfants seront suivies d'une autre sur la menuiserie et la sculpture sur bois, supervisée par deux artistes locaux. «Notre pays a besoin de se relever et de vivre de grands changements, affirme Mme Maxineau, et cela passe par les enfants qui sont formés à la coopération et à la prise en charge communautaire.»

«Nous avons besoin d'accompagnement, pas seulement de dollars, poursuit-elle. Nous avons besoin du partage des savoirs, du partage des connaissances et du savoir-faire dans cet accompagnement qui nous permettront de nous tenir debout et de réclamer nos droits.»

Une proche de l'AMIE, qui a supervisé des projets en Haïti, disait que la jeunesse a recommencé à rêver à des projets d'avenir, ce qui n'était pas le cas depuis plusieurs années, et difficilement imaginable à la suite du tremblement de terre de janvier 2010.