Très haut dans la liste des nouvelles disciplines montantes de l'ingénierie se trouve la bioingénierie.

«Avec les nanosciences, c'est la spécialité-vedette pour les jeunes Québécois qui arrivent en génie», confirme Lawrence Chen, doyen adjoint à la faculté de génie de l'Université McGill. La nouvelle branche est si recherchée que McGill vise à mettre en place un nouveau programme de baccalauréat en bioingénierie dès l'automne prochain, aussitôt reçue l'approbation du ministère de l'Éducation.

La bioingénierie s'intéresse à résoudre tout problème impliquant le vivant. On verra ses spécialistes tenter de régénérer des tissus vivants et mettre au point des prothèses plus efficaces. Selon M. Chen, on travaille beaucoup aussi à l'amélioration de l'environnement. «On s'attaque au traitement des rebuts, à la mise au point de matériaux biodégradables et à la création de chaînes d'approvisionnement industrielles respectueuses de l'environnement.»

Du sol à l'assiette

Puisqu'on est un peu ce qu'on mange, il est normal qu'on forme des ingénieurs à intervenir dans la chaîne d'alimentation, partant de la terre agricole et de son milieu biochimique jusque dans l'assiette, en passant par les usines de transformation des aliments.

À McGill, au Campus Macdonald, se trouve le département d'ingénierie des bioressources. On y forme des sortes d'agronomes du renouvelable. C'est un programme interdisciplinaire de niveau baccalauréat. On s'intéresse aux écosystèmes, y compris à celui de la ferme. On apprend à modéliser ces écosystèmes pour pouvoir y intervenir. On apprend la gestion des eaux et toute technique intervenant dans la production et la transformation agroalimentaire.

Les jeunes ingénieurs qui entrent dans cette formation ont le choix de cinq options: le bio environnement, la gestion des sols et des eaux, les systèmes écologiques, l'alimentation et l'agriculture. Un même point d'orgue traverse chacune de ces cinq variantes: travailler pour une bio ressource renouvelable.

Génie renouvelable

À McGill toujours, 35 membres des facultés de génie, d'architecture et de planification urbaine ont créé un Institut de recherche pour une ingénierie du renouvelable: ISEAD (Institute for Sustainability in Engineering and Design). On y réfléchit aux matériaux renouvelables de l'avenir, aux chaînes d'approvisionnement industrielles respectueuses de l'environnement et généralement à intégrer la notion de renouvelable dans le travail de l'ingénieur ou du planificateur urbain.

Cela se fait de plusieurs façons. D'abord une série de conférenciers prestigieux viennent présenter leurs travaux dans ces domaines. Ensuite, une session d'été est offerte sur l'ingénierie renouvelable aux étudiants, mais aussi aux ingénieurs travaillant dans l'industrie ou pour l'État. Des stages rémunérés sont aussi disponibles dans divers labos de McGill. Et finalement, des bourses sont offertes.

Laboratoire du renouvelable

«Le pari de l'ingénieur en environnement, c'est de marier la recherche de la prospérité et du développement économique avec le respect de la planète et le bien-être des populations», résume Claude Bédard, doyen de la recherche à l'École de technologie supérieure (ETS).

M. Bédard propose comme exemple de l'ingénierie durable les travaux de laboratoire STEPPE de l'ETS. «Voilà un lieu où on étudie très concrètement des solutions permettant à l'industrie et aux gouvernements de faire face ensemble aux problèmes environnementaux liés au développement économique.»

STEPPE est la Station expérimentale des projets pilotes en environnement. Mathias Glaus y travaille comme professeur et chercheur. «Depuis notre installation à l'ETS en 2004, nous avons fait beaucoup de recherche, de modélisation et de projets pilotes sur le traitement des eaux usées, autant pour les municipalités que pour l'industrie.» On n'y va d'ailleurs pas au compte-gouttes. STEPPE peut travailler à l'échelle prototype avec des débits d'un mètre cube d'eau à la seconde.

STEPPE s'intéresse aussi au traitement et à valorisation des matières résiduelles. «Ça peut être du compostage à grande échelle, explique M. Glaus, mais ça peut être aussi de trouver des bactéries capables de détruire ou de fixer des substances indésirables. Notre but consiste alors surtout à trouver le substrat où stabiliser nos bactéries pour qu'elles travaillent à long terme.»

En guise de dessert, le biomimétisme. «La nature nous fournit des exemples magnifiques de solutions à des problèmes complexes, s'exclame M. Glaus. Les champignons, par exemple, forment des réseaux complexes de filaments souterrains, le mycélium. On peut modéliser ces réseaux pour chercher des solutions à des problèmes de transport. C'est une de mes avenues de recherche.»