En s'approchant de la taille moyenne, la petite entreprise gagne en moyens et en appétit. L'acquisition vient s'ajouter à ses ustensiles de croissance.

Premier constat, toute acquisition n'est pas bonne à faire.

«Dans l'écosystème québécois, on fera souvent une acquisition par opportunisme, parce qu'une belle occasion se présente, mais ce n'est pas toujours la meilleure manière de le faire», constate Yan Cimon, professeur agrégé de stratégie à la Faculté d'administration de l'Université Laval.

Cette alléchante occasion pourrait attirer la moyenne entreprise vers des marchés ou des produits trop éloignés de son «coeur de compétence».

«Si l'acquisition permet de redéployer des savoirs existants sur de nouveaux marchés où on serait compétitif, ce peut être intéressant, poursuit le professeur. Si elle vient trop diversifier nos activités, elle augmente le niveau de risque de l'entreprise.»

L'objectif de l'acquisition doit être précisé avant toute démarche: l'entreprise cherche-t-elle à accroître son marché, à faire des économies d'échelle, à créer une synergie commerciale?

Le défi culturel

Les gestionnaires font diligemment leurs devoirs pour régler les questions juridiques et financières entourant l'acquisition. «On est toujours très bons pour faire des tableaux Excel», ironise Yan Cimon.

Mais l'acquéreur néglige souvent les rapports humains, tous ces petits réseaux informels qui sillonnent l'une et l'autre entreprise.

«La machine pour l'intégration est primordiale, insiste le spécialiste en planification stratégique Dominic Deneault, associé chez TREBORA Conseil. En Amérique du Nord, deux acquisitions sur trois détruisent de la richesse: elles ne retourneront pas un rendement supérieur au coût du capital.»

Pourquoi? Les effets de synergie ne se concrétisent pas comme prévu. Les processus et moyens de production ne sont pas compatibles. Les cultures sont antagonistes. Ces problèmes doivent être anticipés avant l'acquisition.

«Il faut aller marcher sur le plancher de l'usine, recommande Yan Cimon. Il faut aller parler au contremaître, à l'employé sur la ligne de production, à la secrétaire du directeur de la mise en marché. Cette démarche semble ralentir le processus d'acquisition, mais elle peut nous épargner tellement de problèmes!»

La délicate rationalisation

«Dans les moyennes entreprises, surtout si elles sont familiales, les équipes dirigeantes s'identifient énormément à l'entreprise et connaissent souvent les employés par leur prénom», observe encore Yan Cimon.

Cette personnalisation rendra toute politique de «rationalisation» plus difficile à mettre en oeuvre que dans une grande entreprise impersonnelle.

Seule avenue: agir avec honnêteté, respect, ouverture. Et communiquer les mauvaises nouvelles en personne.

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