Si le Québec veut profiter pleinement du développement de son industrie minière, il faudra éviter de lui mettre inutilement des bâtons dans les roues, en l'empêchant notamment d'explorer là où la géologie est la plus favorable.

Voilà l'une des principales préoccupations de Jean-Pierre Thomassin, de l'Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ). Le directeur général tirera bientôt sa révérence après six années de service, pendant lesquelles il a doublé le nombre de membres de l'association (à près de 150), ses revenus et son budget.

Dans le document de travail du Plan Nord, le gouvernement du Québec s'engage à soustraire 50% du territoire à toute activité minière. Le gouvernement de l'Ontario a imposé une mesure draconienne du genre qui fait craindre à son industrie de perdre la totalité du potentiel géologique de ce territoire.

«Je ne suis pas aussi catégorique que ça. Tout dépend de la façon de le faire. Mais on sait que la protection du territoire de la rivière George, par exemple, a réduit le potentiel minier d'un territoire beaucoup plus vaste», explique M. Thomassin.

Le problème d'accès au territoire se pose aussi dans les vieux camps miniers. Selon le dirigeant, les plans d'urbanisme de la plupart des municipalités abitibiennes ne prévoient, étonnamment, aucune place pour le développement minier dans des zones pourtant très propices à l'exploitation minière.

Or les municipalités veulent avoir préséance sur le droit minier dans leur territoire. L'AEMQ surveille donc de près comment le projet de loi 79, qui vise à moderniser la Loi sur les mines, va trancher le litige.

Ensuite, l'image de l'industrie minière aux yeux de la population est la seconde préoccupation de M. Thomassin.

Avec la ruée de jalonnement dans le sud du Québec, de Bellechasse à Sherbrooke, pour la recherche de gisements d'or à basse teneur, il craint que le phénomène «gaz de schiste» se répète avec le secteur minier.

«Ce sont des régions habitées, rappelle-t-il. On voit comment les gens des gaz de schistes sont accueillis. Ma crainte est de voir une réaction semblable avec l'industrie minière.»

Beaucoup d'hypocrisie

Sur la question de l'impopularité de l'industrie minière, Georges Beaudoin, professeur de géologie à l'Université Laval, pense qu'il faudra faire un effort de longue haleine pour informer la population sur l'impact des mines dans la communauté. Tant le gouvernement que l'industrie devront s'y engager, précise-t-il.

«Il y a beaucoup d'hypocrisie dans cette attitude «anti-mine», dit-il. Les gens ne se rendent pas compte que les mines et leurs métaux servent à nourrir la vie urbaine. On ne veut pas de mines, mais on n'hésite pas à faire des heures d'automobile sur la 15 pour aller dans la nature.»

Selon M. Beaudoin, l'autre hypocrisie est de croire qu'en bloquant les mines au Québec, on arrêtera la production de métaux. La réalité, souligne-t-il, c'est que ces métaux vont être produits ailleurs.

«Les bénéfices et l'impact environnemental seront déplacés ailleurs, mais le consommateur est encore ici», dit celui qui est aussi directeur du réseau Diversification de l'exploration minérale au Québec (Divex). Ce réseau compte une trentaine de chercheurs des sciences de la terre de sept universités québécoises ainsi que plusieurs entreprises.

M. Beaudoin croit fermement au potentiel minier québécois. Les récentes découvertes de terres rares, d'uranium et de lithium, prouvent cette diversité minérale de la province, ajoute-t-il.

«Le Québec a une masse continentale, une géologie diversifiée, un système légal stable et une expertise minière reconnue, dit-il. Ce sont les ingrédients nécessaires pour tirer notre épingle du jeu dans la scène mondiale.»